Dans un quartier calme du Sud de Paris, en rez-de-chaussée sur cour, fermé d’une belle, haute verrière, l’atelier de Rosy Lamb a tout de l’atelier de sculpteur. D’emblée, il en forme et en tient les promesses: pluie de lumière, forêt de bustes, corps élancés, coiffes dressées, outils et lambeaux de plâtre séché…
Or depuis 2005, c’est également autre chose; Rosy Lamb y travaille, y dessine, y peint. Et y peint essentiellement. En entrant dans le détail de l’atelier, on en voit enfin plus: des dessins ici ébauchés, là, déposés, plus loin punaisés au mur, des peintures sur papier, sur toile, sur plâtre… La complexité de la création se dévoile dans un aller-retour sculpture-peinture incessant.
Les peintures de Rosy Lamb portent la marque indélébile des volumes, sur des supports bombés, incurvés, grattés, qui soutiennent le motif. Ces représentations en trompe-l’espace donnent à voir le corps par son inscription dans le monde: dans son volume et par sa présence. Ces deux éléments forts (la matière et le corps) qui n’en sont peut-être qu’un, jalonnent le travail de Rosy Lamb, et c’est à travers eux que l’artiste cherche à dire l’éphémère de la rencontre, du moment présent, et leur beauté.
Sur ces poses langoureuses, où l’abandon du sommeil pourrait être celui de la mort, on voit peser en creux l’ombre éternelle des vanités. On pourrait être, dans « Eve wanted God », déjà dans le portrait funéraire comme un avoué « Ma Tante morte », de James Ensor. Autour du sujet se dressent souvent les ombres des sculptures de Rosy Lamb (« Marguerite » ou « Harriet »), résurgences de son atelier de sculpteur où se tiennent les séances de pose.
Dans le vocabulaire pictural de Rosy Lamb cela prend sens: elle nous présente lors de la visite de l’atelier, les portraits, les sculptures, comme autant de personnes de son entourage proche, des amis, de la famille, dans la continuité de son premier acte de peinture: portraiturer sa sœur (« Silence »). Dès lors, le report de cette famille sculptée, immortalisée, (en attitude de pleureuses?) sur ces toiles, reflète une tentative d’adoption du sujet, d’acception de l’autre dans l’intimité.
L’obsession de peindre le corps féminin nu et étendu, perdu dans ces limbes équivoques entre sommeil serein et trépas, offre pourtant une promesse de survie. La femme au cœur des représentations, dans des attitudes parfois presque érotique (« Hanna (Gone with the Wind) »), pourrait être la promesse d’une espèce qui perdure, entourée des générations qui l’ont précédée et de celles qui viendront par elle.
Le corps omniprésent n’est pourtant qu’un moyen, jamais une « fin-en-soi » dans le travail de Rosy Lamb. Et si, étrangement cadrées, prises dans le jeu du caché-montré, les chairs étonnamment jaunies, grisées, blanchies, n’affirment leur présence au monde que par le regard, c’est peut-être une clé, une invitation à interroger la manière d’habiter le corps et de rencontrer l’autre et le monde.
Les oeuvres de Rosy Lamb sont disponibles sur Galerie Guido Romero Pierini.