Ren Hang est né en 1987 à Pékin, centre politique et culturel de la Chine. Photographe au rayonnement international, il a récemment exposé à la Nue Galerie à Pantin, nouveau lieu accueillant les univers piquants d’une nouvelle génération d’artistes. « La Chine à nue » était l’intitulé de l’opération.
Plutôt réservé, armé d’un Minolta argentique, il met en scène les corps dévoilés de ses amis, dans une atmosphère flashy. Né d’une famille modeste à qui il ne dévoile que les photos qu’il juge adaptées, le photographe de 27 ans est conscient des écarts de génération. Plus conservatrice certes, mais il « existe des tabous dans tous les pays » admet-il au journal le Nouvel Observateur. S’il est devenu en occident plutôt en vogue d’agiter les mœurs, les esprits n’en sont pas pour autant tous commodes…
Ainsi Ren Hang fait partie d’une nouvelle famille d’artistes, vivant avec leur temps, en évolution parfois brutale, où se meuvent thématiques de genre, de désaccord, de violence, et de rêve. Comment s’exprimer librement dans un pays dans lequel sont bafoués de nombreux droits démocratiques et où les tabous sont parfois plus enclavés qu’ailleurs? Dans la tradition chinoise, quand deux personnes se marient, les parents mettent au fond de la valise de la jeune femme, une image érotique afin de réaliser l’éducation sexuelle des futures époux. Anecdote mise à part, l’érotisme n’a pas sa place en Chine…
Ren Hang affirme ne pas être intéressé par la politique mais bien évidemment, la politique s’intéresse beaucoup à lui comme à tout type d’impertinence. Surtout quand elle est influente. Et l’ampleur de son travail trouve un foyer conséquent en Europe, quand la Chine ne permet que peu de témoignages. Le photographe raconte les difficultés rencontrées lors d’expositions à Pékin, au cours desquelles les galeries doivent souvent retirer rapidement les clichés et pour cause, la répression est toujours en vigueur. Mais cela n’empêche pas dans son travail, un hommage redondant à la couleur traditionnelle de l’Empire rouge. Parfois suivi par la police pendant ses shootings, on s’interroge sur la postérité locale de son travail comme celui d’autres performeurs; découragés ou désintéressés? À qui est destiné cet effort?
Inspiré et enthousiasmé par les créations de personnalités comme Ai Weiwei ou Shuji Terayama, on comprend mieux son point de vue. On peut également citer Lou Ye faisant partie de la sixième génération de réalisateurs chinois « post Tian’anmen », tournant dans la clandestinité des films réalistes à l’apparence documentaire. De longs plans, caméra à l’épaule, avec peu de moyens… Pas forcément engagés comme on pourrait l’entendre, une sincère volonté de montrer la vie urbaine abîmée, aux occidentaux profanes. Et si ces artistes ont souvent été admirés, ils ont aussi longtemps fait l’objet de critiques quant au choix des interlocuteurs et du message à transmettre. À quoi bon indigner au delà des frontières si aucune prise de conscience ne naît à l’intérieur?
Alors première impression, ces corps entrelacés, emmêlés, alignés, dans une lumière flash à la Terry Richardson (les polémiques sexistes en moins), interrogent sur la jeunesse chinoise. Celle-là en tout cas ne fait pas, en apparence, distinction entre les sexes. Certains y voient un message sur l’homosexualité mais on peut simplement considérer une masse de corps, dans leur authenticité. Une désinvolture asexuée. Car si ces formes sans ombres exposent leur sensualité avec autant de franchise, l’obscénité n’y a pas sa place. L’humour du photographe mettant en scène un sexe féminin fumant une cigarette, ou entouré d’un cœur rouge à lèvres, souligne bien cette légèreté.
Le maître asiatique de l’érotisme reste néanmoins le Japon avec ses célèbres estampes (« shunga ») et aux artistes divers: Takato Yamamoto, Nobuyoshi Araki… Avec Ren Hang, bien qu’inspiré par cet univers, on perçoit dans cette exaltation une acception plus innocente, photographiant ses désirs, ses pensées à l’instant oubliés. Animaux, objets, nature ou symboles sont employés avec malice et font sourire autant qu’intimider. Les tabous orientaux et occidentaux sont autant de moyens à exploiter car les pays ne sont pas égaux face au libre arbitre. Mais que seraient ces artistes sans interdits?
« L’obscénité n’apparaît que si l’esprit méprise et craint le corps, si le corps hait l’esprit et lui résiste. »
David Herbert Lawrence – Extrait de « L’amant de Lady Chatterley ».