Des visages familiers aux joues roses qui se ressemblent et se confondent nous scrutent à travers une touche épaisse et mouvementée. Ils capturent l’attention de ceux qui les observent, fouillant une réciprocité dans le regard, une interrogation quant à l’identité. Car c’est ce que recherche Rayk Goetze, artiste allemand originaire de Leipzig. Il questionne l’identité d’une peinture moderne qui s’inspire d’artistes baroques ou maniéristes.
Une inertie anormale, une paralysie des plus totale se ressentent dans les peintures de l’artiste; que ce soit dans les portraits, les plans en plein pied ou bien les peintures abstraites. Le temps s’est arrêté. Les sujets ne sont pas capturés en plein mouvement comme la photographie. Le temps narratif est inexistant. Ils sont là, dans un temps suspendu au silence assourdissant. Les protagonistes de « Ross » et « Kriegerin » paraissent être seuls au monde, envahis seulement par un vide pesant. En effet, ces peintures n’illustrent pas notre ère, ne matérialisent pas notre présent et ne sont jamais rationnellement expliquées. Notre incompréhension naît devant ces fonds abstraits qui se mêlent aux personnages. Où commence l’arrière-plan et ou s’arrête l’avant-plan? Que doit regarder l’œil en premier? Ces marques expressives et abstraites sont la touche personnelle de l’artiste. Cette peinture brillante, vive et sombre est étirée, striée et lancée dans un monde clos et fermé sur lui-même.Car ce ne sont pas des fonds quelconques où sont simplement posés les individus, ce sont eux seuls qui permettent à la figuration de naître tout en restant au même plan que l’abstraction. Car tout se mêle et s’entremêle.Les peintures abstraites de Rayk Goetze montrent que sa touche picturale, qui sert de fond, peut vivre par elle-même comme on le voit avec « Plattform », « Stätte » ou bien « Gelände ».
Le réalisme des corps, le rendu des textures mais surtout le travail du drapé (« Ariel », « Kingdom ») expriment l’influence de la peinture maniériste et baroque sur les œuvres de Rayk Goetze.L’artiste porte plutôt un intérêt spirituel que matériel au tissu. La « force majeure », comme il le surnomme, entoure le problème de notre vie extérieure et intérieure, la place d’une dimension spirituelle mais surtout le pouvoir du destin. En questionnant ces éléments, Rayk Goetze veut montrer son implication dans une peinture contemporaine tout en dévoilant ses inspirations aux grands maîtres de la Renaissance, du Maniérisme et du Baroque. L’artiste est dans une quête picturale et non dans une « régurgitation » historique. Chaque unité du tableau est son propre monde, elle vit en autonomie. De plus les fonds ténébreux repoussent l’œil, l’enfermant dans la peinture se trouvant devant lui.
Une puissance nous attire dans les ténèbres de ces tableaux sombres qui mettent en exergue des figures déshumanisées car non contextualisées. Les fonds abstraitsse détournent de l’Homme, se renferment sur eux-mêmes, engloutissant les personnes emprisonnées à l’intérieur. Rayk Goetze a une touche picturale très reconnaissable, chaque tableau se ressemble mais est pourtant si différent. Une seule lettre différencie « Bad King » de « Sad King », néanmoins, des disparités sont présentes. L’un semble plus achevé que l’autre, comme si le travail de Rayk Goetze n’était qu’éternel recommencement, éternelle insatisfaction.