Face A: Paula Scher est une superstar du graphisme contemporain. Sa carrière a été jalonnée des récompenses les plus prestigieuses de la discipline et son travavil est présent dans les collections du MoMA, du Cooper-Hewitt National Design Museum à New York, du Denver Art Museum, et en France, du Centre Pompidou et de la BNF. Elle travaille aujourd’hui, depuis plus de vingt ans au sein du mythique cabinet Pentagram.
C’est à elle qu’on doit les logos de Citibank et Tiffany & Co., omniprésents dans le paysage newyorkais: simples, lisibles, intemporels. Mais Paula Scher a surtout su lancer (ou relancer, disent les mauvaises langues) des modes qui imprègnent totalement le graphisme d’aujourd’hui. En 1984, sa campagne pour Swatch déchaîne les milieux du graphisme. Plagiée? Librement inspirée de? Parodique? En tout cas, l’affiche de Paula Scher présente plus qu’un air de famille avec une affiche des années 1930 reproduite dans tous les manuels d’histoire du graphisme: une campagne publicitaire pour le tourisme en Suisse, conçue par Herbert Matter. Plus qu’une simple provocation, la démarche de Paula Scher est un hommage en acte à la modernité d’Herbert Matter, et un clin d’œil espiègle qui joue sur l’origine helvétique des montres en question. La campagne soulève surtout de manière inédite les questions de la propriété intellectuelle et celle du recyclage des styles « vintage » en graphisme.
A gauche Herbert Matter, Affiche pour l’Office de Tourisme de la Suisse, 1934. © Herbert Matter estate. A droite Paula Scher, campagne pour Swatch, 1984 © Paula Scher, Swatch
Paula Scher, affiche pour le Public Theater © Paula Scher, Public Theater
Paula Scher, affiche pour le Public Theater © Paula Scher, Public Theater
Paula Scher, affiche pour le Public Theater © Paula Scher, Public Theater
Paula Scher, affiche pour le Public Theater © Paula Scher, Public Theater
Paula Scher, affiche pour le Public Theater © Paula Scher, Public Theater
Paula Scher est pionnière dans cette manière de butiner dans l’histoire du graphisme, de faire son miel de multiples influences. Son travail des années 1980 bouleverse les habitudes visuelles, à grand renfort de typo costaude et d’images rétro. Dans les années 1990, chargée de l’identité visuelle du Public Theater, elle renouvelle totalement le genre de l’affiche de théâtre: typo complètement dada, maquette qui part dans tous les sens, couleurs punchy. Du jamais vu! Ou comment capter le regard du promeneur blasé dans les couloirs du métro.
Aujourd’hui, Paula Scher met son talent au service de clients très variés. C’est elle qui a redessiné le logo de Windows pour l’imminente sortie de Windows 8, avec là aussi, un petit retour aux sources, cette fois sémantique: « Pourquoi votre logo est-il un drapeau, alors que votre nom est fenêtres ? ». Le nouveau logo correspond d’avantage à la navigation par grille d’icônes qu’a mis en place Windows ces dernières années.
Paula Scher, logo pour citibank, 1998 © Paula Scher, Citibank
Paula Scher, logo pour Tiffany & Co. © Paula Scher,Tiffany & Co.
Paula Scher, logo pour Windows 8, 2012 © Paula Scher
La Face B du travail de Paula Scher, ce sont ses peintures, les Map Paintings, récemment exposées à New York, à la galerie Bryce Wolkowitz. Véritables enluminures colorées, grouillant de données, de noms, de points et de lignes, les map paintings sont moins des cartes que des images où le regard se perd. Trop d’information tue l’information. On peut comprendre ces peintures comme une forme d’exorcisation maniaque des exigences du métier de designer: précision, clarté de l’information, communication. Mais également comme un éloge du graphisme. Car ces peintures nous posent en sourdine cette question: Que serions-nous si les cartes étaient encore aujourd’hui manuscrites, ou « manu-peintes »? Si des designers compétents, aidés de machines, ne travaillaient pas pour concevoir les mêmes plans dans leur version utilisable?
Paula Scher Face B ou Paula Scher Face A… même combat!