Un entretien Boum! Bang!
Les interviews s’enchainent et se ressemblent pour Paul Toupet. Sculpteur largement représenté par Hey!, la CAVE Gallery et dans des expositions collectives en France et en Europe. Le terrier, son atelier rue de Clignancourt dans le 18ème arrondissement de Paris, est ouvert au public sur rendez-vous. C’est là qu’il, vit, travaille et entrepose certaines de ses œuvres.
Nous commençons à discuter, dans une ambiance chaleureuse, sous le regard bienveillant de masques d’arts premiers (passion parentale qui ne manque pas de resurgir dans ses œuvres) et celui d’un crâne de Jim Skull; « c’est l’avantage quand tu commences à être reconnu, tu peux échanger des pièces avec d’autres artistes ». Les crucifix familiaux tiennent aussi le haut des chambranles de portes, il n’est pas croyant, « mais les religions ont générées tant de chefs-d’œuvres ». Son dogme à lui c’est l’art. Un mélange d’ascète et de Rock’n’roll. Les œuvres de son ami peintre Axël Kriloff font une toile de fond à ses sculptures à taille humaine, qu’on s’attend de voir bouger d’une seconde à l’autre.
La voix posée et le regard perçant, Paul Toupet n’aime pas parler de son travail, pas trop de palabres et plus de création! Des lapins – essentiellement -, des enfants, des adultes figés qui auraient refusés de grandir, des icones Disney à la sauce vaudou. Un maniérisme grunge et innocent, évinçant tout message, le ressenti prime, quel qu’il soit. Bien sûr il y a une dimension autobiographique, peu d’artistes y échappent mais Paul Toupet refuse toute interprétation psychanalytique liée à son travail – pourtant c’est bien sa mère qui lui avait donné le sobriquet de « lapin » étant petit. De façon obsessionnelle l’œuvre et l’homme ne font qu’un, les lapins, après avoir envahi ses songes, se sont multipliés sur sa peau sous l’aiguille de Rude, tatoueur au shop 23 Keller à Paris.
Paul Toupet a commencé à sculpter aux alentours de ses 16 ans et a été l’émule du maitre Georges Jeanclos. Déjà enfant il bricolait avec des bouts de rien, et faisait de la poterie lors de séjours estivaux à la campagne. À cette époque il se fantasmait archéologue, sans se douter qu’un jour, ce seraient les fantasmagories, fantômes de son âge tendre qui feraient surface dans son art, à fleur de patines. Encouragé par sa famille il a fait ses premières armes à l’Ecole d’arts graphiques de Penninghen et s’entraine sur des poupées de celluloïd. A partir de 2003, il se lance à son travail tel qu’on le connaît, à grande échelle.
Dans son antre, il travaille tous les jours. C’est ainsi qu’il a acquis une telle dextérité du médium: le papier mâché. Une pratique artisanale qui lui permet toutes les idées créatrices qui lui viennent, « pour ne plus avoir de limites » et qu’il sublime à grand renfort de patines et autres vernis, recettes dûment gardées secrètes. La force des œuvres fait oublier la question de la matière mais ce n’est surement pas au papier mâché que l’on penserait en premier lieu. Bien qu’encombrantes les œuvres sont légères. Outsider, on le range dans la catégorie « Dark Art », on est pourtant bien loin de lugubres considérations. Son art lui a fait une réputation de Goth’, il le dit: « dommage, ces étiquettes! ». Il ne comprend pas que les gens trouvent son art « glauque », inquiétant. Pour lui, les statues, toutes en mouvement, sont imprégnées d’élan vital; de l’aisance et l’insouciance d’enfants chahuteurs. Une candeur indéniable mais sans naïveté aucune.
La vitrine sur rue du Terrier présentant quelques pièces étonne! Les enfants sont attirés et intrigués tandis que les adultes s’offusquent, ont la critique sévère le plus souvent. De l’intérieur on entend tout, Paul Toupet s’en amuse!
Pour les regards – espiègles ou étonnés – et les attitudes des sculptures, ce sont ses petits neveux et nièces qui sont sa plus grande source d’inspiration, tantôt boudeurs, joueurs, souples comme des élastiques, ils rappellent à l’artiste une spontanéité et une aisance désormais perdue. Décidément l’âge adulte nous fait sacrifier bien des choses primordiales. Les vêtements de vieilles dentelles anglaises et les souliers de cuir (ces fameuses Kickers ajourées que nous avons presque tous porté) chinés de-ci de-là, finissent ses compositions oniriques et hors-du temps.
Parachevant un premier cycle stylistique d’œuvres de cire et de cendre par la mise en scène de sa propre mort d’après un moulage de son corps et entouré de treize anges virevoltants, il accompagne son âme sous la verrière de la Halle Saint Pierre lors du second opus de l’expo Hey!, une place d’honneur bien méritée. Une œuvre titanesque qui a demandé un travail acharné, pendant des mois car il lui a fallu coller une à une les plumes des nombreuses paires d’ailes. La perspective d’une expo paradisiaque qui pris alors des airs de purgatoire: « Pour la première fois j’ai failli prendre un assistant mais je ne trouve pas ça honnête, j’ai réunis ma patience et mon courage pour tout finir à temps ».
Ses dernières pièces muent, se lissent. Le blanc-matière et lumière donnent un tout autre aspect à ses sculptures. Une forme de minimalisme chromatique qui loin de perdre en puissance souligne d’autant plus les détails de chaque œuvre: les yeux, les chaussures et vêtements, les tresses qui jaillissent de la bouche ou des orbites des sculptures (motif récurant, faisant écho à des masques péruviens, chaque tresse correspond à un ennemi tué).Paul Toupet en a déjà l’intuition, un jour il passera à une polychromie plus franche. La sculpture ne fait pas exception à cette dichotomie du noir & blanc et de la couleur. Des statues qui parlent au cœur, que ce soit de l’effroi ou une invitation à retrouver un rire d’enfant!
B!B!: Ton caractère en fonction des 7 pêchés capitaux: Es-tu colérique?
Paul Toupet: Non!
B!B!: Gourmand?
Paul Toupet: Pas trop mais j’ai un faible pour le soufflé au fromage de ma mère.
B!B!: Avare?
Paul Toupet: Pas du tout, j’essaye d’aider mes proches autant que possible, être disponible, leur donner du temps et partager beaucoup de choses avec eux.
B!B!: Paresseux?
Paul Toupet: Oui et non. Je peux être très casanier et apprécier les grâces matinées mais quand je bosse ce n’est pas à moitié. Je vais toujours au bout de mes projets, des buts que je me fixe.
B!B!: Enclin à la luxure?
Paul Toupet: Rien à foutre, je n’aime pas le coté « vautrons-nous dans le superficiel ».
B!B!: Envieux?
Paul Toupet: Certainement pas, je ne me sens pas en compétition avec les autres et je me trouve suffisamment gâté par la vie.
B!B!: Orgueilleux?
Paul Toupet: Oui un peu parfois mais j’essaye d’y faire attention.