Visiblement, il n’y a ni d’avant, ni d’après, dans les œuvres de Lorella Paleni. Il y a plutôt un « pendant », moment critique au cours duquel les souvenirs resurgissent et les rêves prennent vie. Une sorte de chaos mental, de recueil d’expériences sensorielles et de no man’s land de la logique où, de superpositions en transparences, tout devient vrai et faux simultanément.
Faites d’étranges croisements entre des fragments d’images, les scènes exécutées à la peinture à l’huile par Lorella Paleni gardent en effet tout leur mystère et ne vous racontent que ce que vous voudrez bien y voir. Ici, pas de narration, pas d’espace-temps, pas de repère géographique. Et ce ne sont certainement pas les titres choisis par l’artiste pour qualifier ses œuvres qui vous permettront de trouver votre route.
© Lorella Paleni, Up here, losing it, 2012, acrylic and oil on canvas, 137x182cm
© Lorella Paleni, A lead role, 2012, acrylic and oil on canvas, 100x120cm
© Lorella Paleni, River, 2012, acrylic and oil on canvas, 131×177 cm
© Lorella Paleni, A part of it, 2012, acrylic and oil on canvas, 173×132 cm
Ce voyage tout en contrastes est à l’image du parcours de cette jeune peintre. Née en 1986 dans la petite ville de Casazza en Italie, elle fait ses études à l’Académie des beaux-arts de Venise jusqu’en 2010 et part s’installer à New York et Berlin où elle alterne aujourd’hui résidences et expositions.
Influencée par le Caravage et Bacon, elle se dit également proche de l’allemand Matthias Weischer, artiste chez lequel on retrouve ce goût pour l’imbrication des intérieurs et des extérieurs et où le rêve grignote parfois la réalité jusqu’à la rendre illisible. On pourrait également rapprocher le style de certains des portraits plus « classiques » de Lorella Paleni à celui du peintre américain Hernan Bas et voir dans ses œuvres se déroulant dans une sorte d’espace mental une touche surréaliste à la Delvaux. Mais Lorella Paleni ne veut pas d’étiquette. D’ailleurs, un seul mot ne suffirait pas à résumer son univers qui navigue entre figuration et abstraction.
Ses créations, l’artiste les prépare grâce à des collages d’images et des dessins qu’elle assemble pour, par la suite, pouvoir mieux les déconstruire et les désarticuler. Ces manipulations, ces dissections, l’artiste dit également les mener pour mieux comprendre le monde et avoue ensuite laisser toute sa place à l’improvisation et à la chance qui viennent donner à ses toiles cette impression d’imprévu et d’aléatoire onirique.
© Lorella Paleni, Weightless, 2012, acrylic and oil on canvas, 200x148cm
© Lorella Paleni, Sleepwalkers 2, 2012, acrylic and oil on canvas cm 183×152,5
© Lorella Paleni, Sleepwalkers 3, 2012 acrylic and oil on canvas, 101×81 cm
© Lorella Paleni, Remnant, 2012, acrylic and oil on canvas, 140x190cm
Lorella Paleni parle également de son travail en évoquant la matérialisation par l’image du moment très précis pendant lequel, en sortant du sommeil, notre esprit encore embrumé mélange fantasmes et souvenirs. Ce moment pendant lequel nos idées ne sont pas encore claires et où nous sommes comme jetés dans le monde, plus fragiles, plus vulnérables et peut-être plus perméables. Ses hallucinations peintes pourraient ainsi être le résultat d’une pensée désordonnée et désorientée, au croisement entre la fin du rêve et le début de la réalité.
Les œuvres de Lorella Paleni sont donc autant de portes volontairement ouvertes sur l’inconscient, mais également autant de portes volontairement fermées prématurément pour que ses images ne puissent être décortiquées et mises à nu. Et c’est ainsi que la magie continue.