Un entretien Boum! Bang!
Une nature sublimée, mise en lumière, presque glorifiée et théâtralisée, c’est ainsi que l’on pourrait décrire le travail photographique d’Olivia Lavergne. La photographe a décidé de se tourner vers la photographie de nature après être passée par la photographie d’architecture et de portraits car elle avait besoin d’aventure, de s’échapper et de prendre l’air, c’est d’ailleurs comme un souffle que l’on voit ses photographies. Elle est donc partie, à travers la jungle, dans des lieux secrets (car ça n’a pas d’importance) photographier la nature vierge et sauvage. À travers ses différentes séries et ses différents voyages, elle choisit de nous montrer un monde comme inhabité et une nature sublimée, qu’elle met en scène grâce à une lumière et à des couleurs très travaillées. Il en ressort des photographies frontales et directes mais oniriques, présentées comme un spectacle.
B!B!: Quel a été votre parcours avant de devenir photographe?
Olivia Lavergne: J’ai commencé par suivre des cours de littérature en fiction et en écriture à la fac. J’ai fait quatre ans de lettres modernes puis je me suis tournée vers la photographie. Mon arrière-grand-père était photographe, donc je baignais déjà un peu dans ce milieu. Et pour moi, il y avait une correspondance entre les deux car finalement, les mots sont des images. J’ai donc eu un déclic et j’ai décidé de suivre une formation en photographie à l’Université Paris 8. J’ai aussi eu des rencontres avec des amis qui m’ont permis d’avoir un support et m’ont encouragés, notamment une amie galeriste. J’ai commencé par ça, faire des portraits de mes amis. Non pas des portraits documentaires, mais des photographies burlesques avec des personnages décontextualisés, qui ne sont pas l’objet du portrait.
B!B!: D’où vous est venue l’idée de photographier la jungle?
Olivia Lavergne: J’ai toujours aimé les voyages. Donc avant de partir, j’avais déjà cette idée de photographier la jungle, et depuis longtemps. J’ai adopté ce point de vue frontal, une mise en scène. Dans la jungle, il y a cette idée à la fois de montré et caché, il y a une mise en lumière, presque théâtrale. Au premier voyage, j’ai senti quelque chose qui se passait. En plus, j’étais dans une période de changement dans ma vie et j’avais ce besoin de me distancier avec la ville. Je suis partie dans un désert dans le sud de l’Espagne pour me retrouver seule avec moi-même. Un certain besoin d’oublier pour recommencer.
B!B!: Comment choisissez-vous les lieux à photographier?
Olivia Lavergne: Les lieux sont secrets, comme disait Duchamp « C’est le regardeur qui fait l’œuvre ». Auparavant, je fais quand même un repérage en bibliothèque.
B!B!: Quelles sont les différentes étapes nécessaires à la réalisation d’une photo?
Olivia Lavergne: Quand je suis sur place, je fais des photographies toute la journée, je ne fais que ça du matin au soir. Parfois, il m’est arrivé de dormir sur place et de camper seule au milieu de la jungle afin de chercher la lumière, la bonne lumière. C’est une question d’espace et de temps. La bonne lumière est à des horaires différents, je peux rester longtemps devant un paysage en attendant la bonne lumière. Et au final, en un voyage, je peux ne sélectionner qu’une seule photographie parmi toutes, la parfaite. Je privilégie la qualité à la quantité. Chaque série correspond à plusieurs lieux. C’est une reconstitution.
B!B!: Est ce que vous savez déjà ce que vous voulez photographier avant d’être sur place?
Olivia Lavergne: Comme dans la vie, c’est une histoire de point de vue. C’est comme une performance. J’ai une idée précise, un lieu, un emplacement précis, mais qui peut s’élargir. Ca dépend du climat… Pour la série « Jungles », le ciel était plombé. Au final c’était mieux parce que j’étais partie avec des lumières artificielles utilisées pour faire une mise en scène, comme au théâtre avec l’éclairage. La lumière m’intéresse beaucoup, car je suis aussi enseignante en photographie.
Série « Jungles » © olivia lavergne – 2012-2014
Série « Jungles » © olivia lavergne – 2012-2014 Série « Jungles » © olivia lavergne – 2012-2014 Série « Jungles » © olivia lavergne – 2012-2014 Série « Jungles » © olivia lavergne – 2012-2014 Série « Jungles » © olivia lavergne – 2012-2014 Série « Jungles » © olivia lavergne – 2012-2014 Série « Jungles » © olivia lavergne – 2012-2014 Série « Jungles » © olivia lavergne – 2012-2014 Série « Jungles » © olivia lavergne – 2012-2014
B!B!: Retouchez-vous vos photos?
Olivia Lavergne: Non, presque pas. C’est sur le terrain que se fait tout le travail de cadre et d’éclairage.
B!B!: Pourquoi mettre en scène ainsi et vouloir sublimer la nature?
Olivia Lavergne: Je pense que c’est un sujet universel. C’est aussi ce besoin de se de-contextualiser, d’explorer, je suis une aventurière, je n’ai pas peur. Et puis c’est beau, tout simplement aussi je pense. Ce que je veux montrer c’est la beauté de la nature, un poumon d’air, une respiration, c’est un hommage à la nature. Quand je me retrouve seule face au paysage, j’ai le souffle court. C’est une sorte de retour à une source, j’ai besoin de ça, de cette évasion. Ce qui me plaît aussi, c’est de parcourir le territoire, de vivre une aventure, parfois je fais des photos toute la journée, sans manger. Je suis vraiment immergée dans le sujet, comme dans la série « Silence » où j’ai photographié la forêt primaire. On parle de nous, on se raconte.
Série « Silence » © olivia lavergne – 2012-2014 Série « Silence » © olivia lavergne – 2012-2014 Série « Silence » © olivia lavergne – 2012-2014 Série « Silence » © olivia lavergne – 2012-2014 Série « Silence » © olivia lavergne – 2012-2014 Série « Silence » © olivia lavergne – 2012-2014 Série « Silence » © olivia lavergne – 2012-2014
B!B!: Quelles sont vos influences?
Olivia Lavergne: Avant les portraits, j’ai photographié l’architecture. J’aimais beaucoup ça, puis j’en suis arrivée à la nature, au final c’est assez similaire dans l’approche. Il y a longtemps, j’ai aussi fait un stage à Arles avec Stephane Couturier et Gabriele Basilico, qui m’ont beaucoup influencés. Dans mes photos, on retrouve toujours une architecture. En plus de ça, je m’intéresse beaucoup à l’histoire des mythes, à la mythologie… il y a quelque chose d’assez universel là dedans. J’ai aussi été l’assistante de Ludovic Carême à Libération pour les portraits de dernière page. Et puis j’ai des amis qui se prenaient au jeu. Je suis aussi influencée par le cinéma, non pas par l’image mais par comment le récit se construit, l’énigme… J’ai aussi fait du théâtre pendant assez longtemps donc à un moment tout s’est mélangé, le rapport à la mise en scène…J’ai voulu remettre la nature dans le théâtre, c’est arrivé comme une évidence.
B!B!: Qu’allez-vous faire par la suite? Sur quel(s) projet(s) travaillez-vous en ce moment?
Olivia Lavergne: Je travaille sur une série, que j’ai terminée, beaucoup plus minérale, avec des jeux de lumière et d’ombre inspirée par la lecture de Kandinsky. Après la végétation j’ai été attirée par les roches. Ce qui m’intéresse c’est le rapport entre minéral, lumière et couleur.
B!B!: Nous avons pour habitude de terminer les interviews par une sélection de questions issues du questionnaire de Proust. En voici quelques-unes librement adaptées:
B!B!: Quel artiste auriez-vous aimé rencontrer de son vivant?
Olivia Lavergne: Andy Warhol.
B!B!: La prise de vue de vos rêves, elle se déroule où?
Olivia Lavergne: Dans une île paradisiaque, un lieu où il fait chaud, un paysage avec une oasis.
B!B!: Si vous deviez exercer un autre métier, ce serait lequel?
Olivia Lavergne: Ecrivain.
B!B!: Si vous étiez un lieu, ce serait lequel?
Olivia Lavergne: Un lieu sauvage.
B!B!: Si vous étiez un film, ce serait lequel?
Olivia Lavergne: « Sans toit ni loi » d’Agnès Varda.