C’est en sillonnant le monde que Michael Wolf alimente son impressionnante collection de photographies. Toutes traitent de ce qui semble être son sujet favori, la vie dans les villes, thème qu’il décline en séries et dont il use pour souligner l’hallucinante densité humaine des mégapoles et son impact sur nos modes de vie.

« Real Fake Art » est l’une de ces séries. Réalisée entre 2005 et 2007, elle dresse le portrait d’hommes et de femmes de la ville chinoise de Shenzhen. Leur métier: reproduire à la demande et à l’identique (ou presque) des œuvres  de grands maîtres de la peinture et de la photographie.

Immédiatement, cette série soulève des questions assez attendues: une œuvre doit-elle être unique pour être considérée comme telle? Quelle est la valeur d’une œuvre originale à une époque où tout peut être reproduit? Qu’est-ce qu’un artiste aujourd’hui? En se concentrant sur ce marché juteux de la copie en Asie, Michael Wolf cherche certainement à nous parler également du monde de l’art en montrant l’un des effets de sa prétendue démocratisation. Son propos semble assez clair: l’art est devenu un produit de consommation comme les autres.

Michael WolfMichael Wolf, extrait de la série « Real fake art » © Michael Wolf
Michael WolfMichael Wolf, extrait de la série « Real fake art » © Michael Wolf
Michael WolfMichael Wolf, extrait de la série « Real fake art » © Michael Wolf
Michael WolfMichael Wolf, extrait de la série « Real fake art » © Michael Wolf
Michael WolfMichael Wolf, extrait de la série « Real fake art » © Michael Wolf
Michael WolfMichael Wolf, extrait de la série « Real fake art » © Michael Wolf
Michael WolfMichael Wolf, extrait de la série « Real fake art » © Michael Wolf

Mais, à mieux y regarder, on se rend compte que cette série n’est pas simplement un reportage où se juxtaposent aléatoirement décor, faussaire et œuvre. Ce qu’elle a de plus excitant, c’est certainement ce jeu d’interactions entre ces trois éléments et les liens qui se tissent entre eux. Ainsi, de photographie en photographie, nous nous rendons compte que certains des composants de ces portraits (motifs, couleurs, objets…) se répondent, s’opposent et viennent enrichir notre expérience de spectateur. On se prend alors au jeu de chercher les correspondances et les points communs, à essayer de relier entre eux ces éléments qui n’ont pourtant pas de rapport apparent. Sur le portrait d’un copieur tenant un « Do it yourself » d’Andy Warhol, les chiffres et les lignes de la toile répondent au motif du carrelage du mur qui semble lui aussi tout droit sorti d’une toile… Un hasard? Sûrement pas, tout comme cet homme endormi en pleine rue sur un canapé sale et troué dont la silhouette répond parfaitement au sujet de ce qui pourrait être son tableau, un baigneur de David Hockney se prélassant, nu, au soleil. Même similitude dans ce faux Gerhard Richter fait de coups de pinceau ressemblant étrangement aux feuilles séchant sur la fenêtre juste à côté.

Au-delà de priver les œuvres de leur superbe, Michael Wolf cherche également peut-être à nous parler des invisibles, ces personnes achetant ces toiles, bien souvent des touristes. D’où leur vient cette envie de posséder un chef-d’oeuvre aussi mal imité que cette Joconde de Léonard de Vinci ou ce voyageur de Caspar David Friedrich? Qui sont également ces personnes prêtes à accrocher chez elles des imitations peintes de photographies de Loretta Lux, Bernd et Hilla Becher, Thomas Ruff alors que l’idée même de copier une photographie en peinture pourrait sembler absurde. Doit-on alors les considérer comme des « amateurs d’art » ou comme des guignols et devons-nous tout simplement nous avouer que nous aimons tous « posséder » quelles que soient les conditions.

Michael WolfMichael Wolf, extrait de la série « Real fake art » © Michael Wolf
Michael WolfMichael Wolf, extrait de la série « Real fake art » © Michael Wolf
Michael WolfMichael Wolf, extrait de la série « Real fake art » © Michael Wolf
Michael WolfMichael Wolf, extrait de la série « Real fake art » © Michael Wolf
Michael WolfMichael Wolf, extrait de la série « Real fake art » © Michael Wolf
Michael WolfMichael Wolf, extrait de la série « Real fake art » © Michael Wolf
Michael WolfMichael Wolf, extrait de la série « Real fake art » © Michael Wolf
Michael WolfMichael Wolf, extrait de la série « Real fake art » © Michael Wolf
Michael WolfMichael Wolf, extrait de la série « Real fake art » © Michael Wolf
Michael WolfMichael Wolf, extrait de la série « Real fake art » © Michael Wolf
Michael WolfMichael Wolf, extrait de la série « Real fake art » © Michael Wolf
Michael WolfMichael Wolf, extrait de la série « Real fake art » © Michael Wolf
Michael WolfMichael Wolf, extrait de la série « Real fake art » © Michael Wolf
Michael WolfMichael Wolf, extrait de la série « Real fake art » © Michael Wolf
Michael WolfMichael Wolf, extrait de la série « Real fake art » © Michael Wolf
Michael WolfMichael Wolf, extrait de la série « Real fake art » © Michael Wolf
Michael WolfMichael Wolf, extrait de la série « Real fake art » © Michael Wolf
Michael WolfMichael Wolf, extrait de la série « Real fake art » © Michael Wolf
Michael WolfMichael Wolf, extrait de la série « Real fake art » © Michael Wolf
Michael WolfMichael Wolf, extrait de la série « Real fake art » © Michael Wolf
Michael WolfMichael Wolf, extrait de la série « Real fake art » © Michael Wolf

Malgré tout, cette série apparaît comme un hommage à ces peintres de l’ombre dont le talent réside plutôt dans le courage que dans la créativité. Michael Wolf semble d’ailleurs porter un regard bienveillant sur ces copieurs qui passent des mois à peindre le même tournesol ou la même tête d’ange sur des dizaines de faux, contrefaits et produits à la chaîne comme n’importe quel autre produit.

Né à Munich en 1954, Michael Wolf a grandi entre le Canada, les États-Unis et l’Europe. Après des études à Berkeley (Californie), il a suivi des cours à la Folkwang School, une école d’art située à Essen en Allemagne. Il a travaillé pendant 8 années pour le magazine Stern. Il vit et se consacre aujourd’hui à des projets photographiques plus personnels entre Hong Kong et Paris. On doit ainsi à cet artiste des séries de vues incroyables d’immeubles surdimensionnés (« Architecture of density »), les portraits des habitants de minuscules appartements tout en un (« 100 X 100 ») ou encore des photos des passagers du métro de Tokyo, le visage écrasé sur les vitres embuées (« Tokyo compression »).

En France, Michael Wolf est représenté par la Galerie Particulière, 11 et 16 rue du Perche, 75003 Paris.