Leonardo Mattioli est un illustrateur et graphiste italien né en 1928 à Florence et mort en 1999. Tout d’abord attiré par la peinture, il se fait très vite un nom en illustrant des livres de littérature enfantine comme La flèche noire de Stevenson, Timour et sa brigade de Arcadi Gaidar ou encore, le célèbre Pinocchio de Collodi. C’est avec ce dernier que Mattioli devient réellement célèbre, en 1953, et avec des planches d’une rare puissance d’évocation.
Leonardo Mattioli ©
Leonardo Mattioli ©
Leonardo Mattioli ©
Les illustrations de Mattioli se distinguent, en effet, par une utilisation remarquable de la palette chromatique qui, jouant sur les jeux d’ombre et de lumière et de contrastes, réussit à créer une atmosphère particulière, où la sobriété ne fait que suggérer davantage. L’on notera, en plus de la couleur, une utilisation singulière de la forme et du trait, qui peut nous inciter à discerner chez Mattioli une claire influence de la peinture expressionniste, et, en particulier d’Ottone Rosai.
Ottone Rosai ©
Ottone Rosai ©
Ce sont les mêmes paysages épurés, les mêmes personnages déformés et une inlassable puissance de représentation. L’influence du futurisme russe, en ce sens, est patente. Il suffit de regarder la multiplication des perspectives et le chevauchement des plans narratifs des planches de Pinocchio, par exemple, pour se rendre compte de ce bain artistique dans lequel semblait évoluer Leonardo Mattioli. Loin, donc, de construire un espace de référence volontairement simplifié et édulcoré afin de correspondre au mieux à l’horizon d’attente d’un regard enfantin, Leonardo Mattioli représente les différentes scènes des contes et fables qu’il illustre en y incluant toutes les influences de l’art dont il était contemporain.
Il se dégage, en tout cas, des planches de Mattioli une étonnante poésie. Il n’est que de voir les différentes apparitions de Pinocchio au sein des illustrations de l’artiste pour s’en rendre compte. Le personnage de Collodi entre en effet en scène comme une silhouette, une ombre que l’on aurait projeté sur un mur blanc. Il n’a ni couleurs, ni épaisseur, il n’est presque qu’un trait de crayon. Est-il façon plus évocatrice de dire ainsi l’isolement du personnage, par une déshumanisation complète de sa représentation picturale? Est-il moyen plus sûr de dire la solitude d’un enfant qui passe devant les fenêtres de la « scuola » sans en faire partie?
Mattioli joue avec notre imaginaire pour pouvoir moduler ses illustrations sur toutes les cordes sensibles du lecteur. Les images qui accompagnent Timour et sa brigade d’Arcadi Gaidar sont presque toutes recouvertes par la neige, comme pour mieux éveiller en nous l’image d’une Russie lointaine, où les caractères cyrilliques côtoient les horizons gelés de la steppe sibérienne.
Leonardo Mattioli ©Leonardo Mattioli © Leonardo Mattioli ©
Chaque fois, ce qui ressort néanmoins, c’est une volonté de montrer le personnage en chemin. Les illustrations de Mattioli se distinguent en effet par un important jeu sur les espaces narratifs. Abondent, dès lors, les fenêtres, les seuils, les portes ouvertes, les maisons, les escaliers, les cuisines… Les personnages se glissent dans ces espaces et les images les prennent sur le vif, toujours allant vers un but. L’artiste, par ce biais, retrace l’itinéraire d’un certain voyage initiatique pour le personnage et reproduit ainsi le voyage mental du jeune lecteur. Le contraste entre le dedans et le dehors, entre les espaces fermés et ouverts, viennent ainsi symboliser les différents obstacles que doit affronter l’enfant dans sa quête de la maturité physique et intellectuelle.
Quoi qu’il en soit, Leonardo Mattioli, par ces planches d’une extrême efficacité discursive et évocatrice, se place dans la ligne des grands illustrateurs italiens que sont par exemple Hugo Pratt ou Bruno Munari. Leonardo Mattioli ©