Pacifiste 100 % tout doux, le Street Tricot ou Yarnbombing, mouvance artistique au carrefour du Land Art, Pop Art et Street Art renouvelle le graff en version rainbow warriors. Le tricot se fait matière plastique, en collection automne hiver. Les pull-over multicolores habillent troncs d’arbres et lampadaires; pour fêter l’arrivée du printemps, vélos, façades et bus se déguisent en bonbons acidulés, bariolés.
Parce qu’elles investissent l’environnement urbain de manière décalée et poétique, les tricoteuses de rue, selon Samantha Longhi, rédactrice en chef de Graffiti Art Magazine « se situent au summum de la caractéristique essentielle du street art: la gratuité, le don de soi aux passants ». Les galeries d’art leur font de l’oeil, les happenings artistiques se multiplient et le MOMA (Musée d’Art Moderne de New York) a acquis il y a peu quelques oeuvres…
© Knitta Please!© Knitta Please!© Knitta Please!© Knitta Please!© Knitta Please!
Le Yarnbombing a pris racine en 2005 à Austin avec le groupe Knitta Please! dont Magda Sayeg fait office de figure de proue. Depuis, le gang de tricoteurs anonymes a officié à Houston, New York, Mexico, Londres ou Paris. Décomplexés des aiguilles, les guérilleros du mérinos fleurissent désormais partout dans le monde.
Agata Olek, une artiste urbaine polonaise a, en guise de voeux pour la nouvelle année 2011, recouvert le «Charching Bull» de Wall Street d’une seyante liquette en camaïeu de mauve, le tricot ayant été conçu comme un hommage au sculpteur de la statue inaugurée en 1989, Arturo Di Modica. De Melbourne avec le Yarn Corner fondé par Bali Portman à Montréal et le groupe desVille-laines en passant par Christine Pavlic à Vienne ou encore Carol Hummel, la maille se démocratise au nom d’une révolution toute de douceur vêtue.
Un livre en porte l’étendard: « Yarn Bombing, The Art of Crochet and Knit Graffiti » de Mandy Moore et Leanne Prain aux éditions Arsenal Pulp Press.
© Agata Olek© Agata Olek© Yarn Corner© Carol Hummel© Carol Hummel
L’hexagone n’a pas échappé au vent venu du Texas, le Collectif France Tricot, né en hiver 2009, regroupe cinq tricopathes qui dégainent leurs pelotes entre Nice, Lyon et Paris. Pour Solène Couturier, une des fondatrices du collectif, le Street Tricot, « c’est un mode d’expression. Nous faisons très peu de tricot utilitaire et préférons le tricot de rue. Sauf que nos revendications, c’est juste de faire des choses rigolotes, douces, chaleureuse, et d’interpeller les gens dans l’environnement urbain ». En mai 2009, le Collectif France Tricot a participé à la première « Nuit du Street Art » place Saint Sulpice à Paris puis exposé à la Galerie 13 en 2010 sur le thème «un monde sans publicité» avec une installation de logos tricotés.
Cette semaine, tous les street-tricoteurs du monde poussés par la fièvre du point mousse sont invités à la deuxième semaine internationale du fil de rue à l’initiative du blog collectif Fil 2 rue pour distiller où bon leur semble leurs créations emmaillotées.
Bol d’air frais sans prétention dans l’univers du street art, le Yarnbombing, souvent bourré d’humour ou poétique, jamais intrusif, est la branche moelleuse et câline du graff urbain.