Les personnages sculptés par l’artiste Klara Kristalova semblent tout droit sortis d’un pays imaginaire. Un pays froid, c’est certain, tant ses œuvres paraissent taillées à même la glace. Mais surtout, une terre balayée par la magie. De curieux sortilèges pourraient y avoir frappé les enfants, tantôt changés en animaux, tantôt plongés dans une torpeur à couper au couteau.
Passé ce premier effet de chair de poule, on peut se demander si ces étranges créatures vivent plutôt dans l’esprit de l’artiste que sur un quelconque territoire. Un esprit où ses rêves et ses souvenirs d’enfance se bousculent, se mélangent puis se matérialisent en naissant entre ses mains. Une fois devenus sculpture, ils gardent tout leur mystère en ne nous révélant jamais complètement leur sens et leur vérité.
Toutes les œuvres de Klara Kristalova semblent en effet fonctionner avec ce double sens de lecture, négatif et positif. Ainsi, vous pourrez vous demander si cette écolière est entourée sur son bureau par des animaux qui la protègent ou qui la hantent. Vous pourrez également vous questionner sur la présence de ces papillons de nuit sur le visage de cette autre petite fille. Sont-ils réels et réellement en train de l’étouffer? Là où le doute ne subsiste pas un seul instant, c’est lorsque vous verrez cet enfant déverser tout autour de lui des larmes noires se changeant en véritables rivières dans lesquelles il se noie. Des larmes noires qui pourraient être la matérialisation de sa noirceur intérieure et qui laisseraient penser que chez Klara Kristalova notre côté obscur et nos démons prennent toujours le dessus.
En effet, malgré les matières denses et solides qui les constituent (bronze, plâtre, céramique…), ses sculptures donnent l’impression d’être molles, faibles, de fondre, de crouler sous le poids d’un mal mystérieux. Un effet renforcé par la peinture qui les recouvre. Diluée, diffuse, transpercée de transparences et légèrement scintillante, elle leur donne un aspect chimérique.
Réunis en groupe, ces petites filles fantômes et ces animaux n’en sont pas plus gaies et poussent notre esprit à créer l’environnement qui pourrait les entourer, à imaginer leurs origines ou d’autres créatures peuplant leur univers. Parfois l’artiste présente également ses productions dans de grandes armoires. Leurs portes ouvertes donnent alors l’impression d’entrer véritablement dans l’esprit de Klara Kristalova et d’y faire un voyage. Impossible d’ailleurs de nier la ressemblance entre cette sculptrice et ses œuvres. Longs cheveux noirs, visage pâle, regard mélancolique. Tout laisse à penser que Klara Kristalova et les petites filles qu’elle sculpte ne font qu’un…
Pour nous aider à y voir plus clair, l’artiste dit trouver son inspiration dans des légendes de son pays natal et des contes de fée. Plutôt que dans leur petit côté lisse et mièvre, elle préfère puiser dans leur capacité à marquer les esprits et leur caractère traumatisant. Elle dit également avoir apprécié les nouvelles de l’écrivain danois Hans Christian Andersen, auteur du célèbre « Vilain petit canard » ou les nouvelles de l’irlandais Oscar Wilde. Des histoires lues pendant une adolescence qu’elle décrit comme solitaire, en rupture avec les autres enfants. Cet âge mystérieux, entre deux, où se côtoient dans le chaos, la peur de grandir, les complexes, l’anxiété, la maladresse et l’innocence semble en tous les cas la fasciner et la guider dans son travail.
Née en 1967 en Tchécoslovaquie, pays que ses parents quittent alors qu’elle est encore bébé, elle est fille de céramiste. Elle a étudié la peinture puis la sculpture au Royal University College of Fine Art de Stockholm et dit avoir été encouragée dans sa pratique par des artistes céramistes tels que Peter Voulkos, Ken Price et Robert Arneson. Régulièrement exposée et présentée dans de nombreuses collections suédoises, elle est actuellement représentée par la galerie new-yorkaise Lehmann Maupin, la galerie suédoise Magnus Karlsson et la galerie londonienne Alison Jacques. En France, elle est représentée par la Galerie Perrotin.