Intérieur / Noir, rouge, blanc, jaune. Toujours la même, jamais à l’identique, une femme au visage orné, transformé, transfiguré sur papier glacé. Kimiko Yoshida est une photographe plasticienne aux mille facettes, alien métallique, aztèque flamboyante, déesse écarlate ou geisha laiteuse. «La transformation m’apparaît comme la valeur ultime de l’art»*, dit-elle. Son oeuvre, majestueuse et fascinante, véritable périple à travers les cultures, les ethnies, les époques, consiste en une multitude d’autoportraits monochromes, en une métamorphose hypnotique qui dit la complexité identitaire.

Kimiko Yoshida
© Kimiko Yoshida
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Kimiko Yoshida
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D’abord créatrice de mode dans la capitale nippone, Kimiko Yoshida quitte Tokyo pour la France en 1995 et intègre, à l’âge de 33 ans, l’Ecole Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles puis 3 ans plus tard, le Studio national des Arts contemporains de Le Fresnoy.

L’ensemble de ses photographies, aujourd’hui exposées dans les musées à travers le monde, respectent un protocole de départ identique: sujet, cadrage, taille (142 cm x 142 cm ou 120 cm x 120 cm), lumière unique et monochromie.

«Mes photographies se présentent comme une tentative (inachevée) vers la couleur monochrome: je vois dans le monochrome, dont il est si peu aisé d’énumérer les nuances, une figure de l’infini, une puissance hors du temps où s’altère infiniment le semblant de l’identité, du genre, de l’appartenance… (…) C’est par cette aspiration à la monochromie, par cette visée vers l’infini (…) que chaque autoportrait s’impose à la fois comme une émergence et un effacement.»*.

Sur la photographie alors, l’identité, les contours de la figure singulière de l’artiste s’évanouissent dans la monochromie pour dévoiler un universel.

L’exposition personnelle intitulée « Peintures » a été présentée en septembre-octobre 2010 à la Maison européenne de la Photographie puis poursuivie à Art-Paris (Galerie Albert Benamou) au Grand-Palais en 2011. Cette série de Peintures, qui fait suite à la série des « Mariées célibataires », est réunie dans un livre publié aux éditions Actes Sud: « Là où je ne suis pas ».

Contestation de la vision traditionaliste de la femme japonaise, «Mary me» (2003), est une exposition qui questionne la « servitude ancestrale du mariage arrangé et le destin humilié des femmes »*. Kimiko Yoshida incarne une «mariée paradoxale, intangible et célibataire»*, figure conjuratoire et fictive, parodique et contradictoire, tantôt veuve, cosmonaute ou personnage de manga.

Kimiko Yoshida
© Kimiko Yoshida
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La série « Peintures » a été pensée en souvenir de l’histoire de l’art. Elle relève de la pratique du détournement: celui des objets de la vie quotidienne ou de la mode (vêtements et accessoires Haute Couture du Patrimoine Paco Rabanne), des chefs d’oeuvre de l’histoire (Picasso, Rembrant, Matisse, Gaugin…), de ses propres photographies de «Mariées célibataires» ou encore de la pratique de la photographie elle même. Cette évocation symbolique en grands tirages sur toile est loin d’être «une citation ou une imitation»* mais davantage «l’allusion rétroactive à un détail qui demeure, parfois à notre insu, dans le souvenir»*, l’incarnation du trait élémentaire, détaché par la pensée pour former arbitrairement dans la mémoire l’évocation d’une peinture.

Kimiko Yoshida
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Kimiko Yoshida, guerrière ardente et plurielle, lutte contre les clichés contemporains de la séduction et la servitude des femmes. Cette éclatante amazone, résistant à la soumission, aux appartenances, aux stéréotypies du gender et aux déterminismes de l’hérédité, nous emporte dans le manège effervescent des expressions de soi.

«Mon art ne porte pas sur l’identité, mais sur l’identification. La question n’est pas Qui suis-je? mais plutôt: Combien suis-je?»*.

Kimiko Yoshida
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