Une tension entre plusieurs plans de perspective, une superposition de plusieurs couches de dessins. On cherche à cerner un ensemble cohérent face à ces amas de fragments, de raturages qui forment néanmoins des sortes de palimpsestes harmonieux. Les tableaux du peintre Karim Hamid nous perdent dans la complexité de sensibilités conscientes et inconscientes. La notion du regard et comment celui-ci est représenté est alors important dans le travail de l’artiste. C’est à la fois le regard double, évident dans les portraits, qui nous suggère une aura évanescente, une présence indéfinie, une sorte de mouvement aérien, un miroir psychique. La dimension psychique semble habiter en effet les tableaux du peintre mettant en évidence une double lecture qui distancie et met en dérision.
C’est aussi, et c’est le thème principal du travail de l’artiste, le regard masculin sur le corps féminin à travers les différentes époques de l’histoire de l’art et de l’image. D’ailleurs, ce regard circonscrit souvent ce dernier à l’espace du lit si on observe les tableaux. Le troisième regard serait celui de l’ironie, de la parodie quand l’artiste déconstruit, abime ou décontextualise le corps idéal féminin relayé par les mass medias et la pornographie en utilisant les codes traditionnels de la peinture européenne. Ce corps idéalisé, il le disproportionne, le défait pour en soustraire la superficialité de sa construction idéologique et quelques fois machiste.
Karim Hamid, fa.fn7, 120x120cm, oil on canvas, Collection in Paris, 2010 ©
Karim Hamid, fa.fn8a, 120×120 cm, oil on canvas, Collection in Monte Carlo, 2009 ©
Karim Hamid, fa.fn14, 90×90 cm, oil on canvas, Collection in London, 2010 ©
Karim Hamid, fa.fn15, 90×90 cm, oil on canvas, Collection in London, 2010 ©
Karim Hamid, fa.fn25, 90×90 cm, oil on board, Collection in Milan, 2011 ©
Karim Hamid, fa.fn27, 90×90 cm, oil on board, Collection in Los Angeles, 2011 ©
Karim Hamid, ggw11, 40×40 cm, oil on canvas, Collection in San Francisco, 2007 ©
Karim Hamid, ggw22, 40×40 cm, oil on canvas, Collection in New York, 2009 ©
Karim Hamid, ggw27, 40×40 oil on canvas, Collection in Basel, Switzerland, 2009 ©
Karim Hamid, ggw28, 40×40 cm, oil on canvas, Collection in New York, 2009 ©
Karim Hamid, ggw33, 40×40 cm, oil on board, Collection in Boston, 2010 ©
Karim Hamid, ggw41, 90×90 cm, oil on board, 2011 ©
Karim Hamid, ggw45, 40×40 cm, oil on board, 2010 ©
Karim Hamid s’appuie sur des images trouvées notamment sur des sites porno. Il tente alors de reconsidérer le regard masculin porté sur ce corps et l’habite d’une autre dimension complexifiant ainsi son approche, ce qui est à l’antipode de l’image porno où l’immédiateté et de ce fait la simplification doit être opérante pour donner du plaisir primaire. De ces femmes souvent totalement nues, affichant quelque fois un sourire radieux, outil de la séduction, et/ou sur un lit à quatre pattes émerge alors une sphère psychique, spirituelle là où on ne l’aurait pas soupçonné. Cette double lecture est efficiente dans quelques tableaux de sa série « Intersomnia » où Karim Hamid y fait dialoguer la représentation iconographique chrétienne et le corps féminin dénudé à quatre pattes de l’imagerie pornographique. La référence religieuse est aussi présente dans sa série « Annuntiare » sans doute en référence à l’Annonciation faite à Marie, sujet majeur de l’art chrétien occidental. La parade des corps nous fait entrer dans la parodie figurative de l’artiste faisant de la femme nue des magazines porno la femme providentielle qui lave le péché du monde en mettant au monde le fils de Dieu (Annuntiare 12).
L’œuvre d’un peintre comme George Condo résonne quelque peu avec celle de Karim Hamid dans cette réappropriation du langage traditionnel de l’art européen pour une dénonciation des stigmates de la société consumériste contemporaine. Dans cette distanciation se joue un non-dit suggéré et à la libre interprétation de chacun. En ce sens, le travail de Karim Hamid semble dénoncer tout en n’assénant pas le spectateur, déconstruit tout en créant une symbolique picturale forte nourrie de diverses influences, tout se tient dans une subtilité complexe qui fait voir ses rouages après-coup, après imprégnation de l’univers proposé et qui a, de ce fait, le même charme que la vie.