Un entretien Boum! Bang!

Photographe, sculpteur et réalisateur, Just Jaeckin est un homme aux multiples talents. Son nom vous est peut-être familier. En effet, il n’est autre que le réalisateur du célèbre film Emmanuelle. Amoureux de l’art et du beau, c’est dans la galerie qu’il possède avec sa femme que vous pourrez aller vous délecter de ses œuvres. Rencontre avec un homme qui a « acheté sa liberté ». Faire des films pour pouvoir sculpter.

B!B!: Dans un premier temps j’aurais aimé savoir: comment êtes vous passé de la réalisation à la sculpture/photographie?

Just Jaeckin: Je suis comme les gens du 18ème, je fais énormément de choses en même temps, directeur artistique, metteur en scène, sculpteur et photographe. Je considère, comme Cocteau, que toutes les branches du même arbre sont liées, c’est-à-dire que les unes m’amènent des choses pour les autres. La sculpture, la photo ou encore le cinéma c’est une espèce de puzzle. Le cadrage des photos ou le découpage des sculptures, ça reste dans un même esprit. Je suis un peu plus manuel que les autres donc je suis très à l’aise avec des sculptures mais dans l’absolu un cadrage de sculpture c’est comme un cadrage de photo, ou un cadrage de cinéma. En fait j’ai toujours mélangé quatre métiers, ce qui fait que mes sculptures aujourd’hui sont un mélange de tout ça. D’ailleurs la critique du Figaro a été la meilleure que j’ai eu , ils disaient que c’est un mélange de tout les métiers.

Pour en revenir au passage du cinéma à la sculpture, j’étais passionné de cinéma mais c’est toujours une grande équipe, avec environ 300 personnes. C’est passionnant, mais épuisant. Alors que dans mon atelier je suis seul, en pleine campagne. Je me retrouve devant mes morceaux de bois, mes soudures. C’est un peu le repos du guerrier après un long métrage. Je n’ai aucune pression , je prends le temps que je veux. Je n’ai de comptes à rendre à personne.

B!B!: Finalement ça vous permet de donner libre cours à vos envies, sans intermédiaires qui vous imposent des contraintes.

Just Jaeckin: Je vais encore ressortir une grande phrase (Rire). J’ai beaucoup travaillé pour m’acheter ma liberté. Tout ce que j’ai fait, l’argent que j’ai gagné dans ma vie, ce n’était pas pour m’acheter des Ferrari mais pour faire ce que j’avais envie. Lorsqu’on fait une exposition, on se demande si ça va marcher ou non. Moi j’ai une idée, je la fais. Quand j’ai fait l’expo sur les indiens, par exemple, tout le monde pensait que c’était de la folie, et pourtant ça a très bien marché. Si au contraire, elle n’avait pas eu le succès espéré, j’aurais été un peu triste, mais j’aurais quand même été au bout de mes envies.

Just Jaeckin, Indien bandeau
Just Jaeckin, Indien bandeau © Galerie Anne et Just Jaeckin
Just Jaeckin, Trois plumes
Just Jaeckin, Trois plumes © Galerie Anne et Just Jaeckin

B!B!: Les femmes ont une place importante dans votre carrière, est-ce lié au fait qu’elles sont votre source d’inspiration première?

Just Jaeckin: C’est pour une raison extrêmement simple. J’ai toujours été entouré de femmes, mes équipes d’assistantes ont toujours été des femmes. Une femme a un plus grand éventail de possibilités. Elle peut être votre maman, votre nurse, votre infirmière, votre maîtresse. Elles sont surprenantes. Un homme c’est bien plus linéaire. Les femmes me fascinent, d’abord par leur beauté et puis érotiquement parlant, elles sont sans fin. Tout est beau chez une femme.

B!B!: Vous m’en avez parlé un peu précédemment mais comment définiriez-vous vos œuvres?

Just Jaeckin: Pour moi c’est un certain graphisme que j’ai d’abord en tête. J’aime les choses très linéaires, très belles. Les belles courbes, les belles droites. Si je pouvais comparer, je dirais que j’ai un peu la démarche des japonais, aller vers la ligne la plus pure, la chose la plus simple. Plus c’est simple, plus c’est beau. Il n’y a rien de plus beau qu’un beau carré, un beau rond. J’adore les choses qui ont une puissance linéaire.

Just Jaeckin, Adjani Cerf
Just Jaeckin, Adjani Cerf © Galerie Anne et Just Jaeckin
Just Jaeckin, Alextex
Just Jaeckin, Alextex © Galerie Anne et Just Jaeckin
Just Jaeckin, Birkinga
Just Jaeckin, Birkinga © Galerie Anne et Just Jaeckin
Just Jaeckin, Bouquet
Just Jaeckin, Bouquet © Galerie Anne et Just Jaeckin
Just Jaeckin, Bardotha
Just Jaeckin, Bardotha © Galerie Anne et Just Jaeckin
Just Jaeckin, Candiceb
Just Jaeckin, Candiceb © Galerie Anne et Just Jaeckin

B!B!: Quelques œuvres exposées en ce moment dans votre galerie sont des superpositions de vos photos. Comment est venue cette idée? Est ce une volonté de faire sortir le sujet de l’œuvre?

Just Jaeckin: Pour moi la photographie est un art mécanique, c’est à dire que vous appuyez sur un bouton. Il n’y a pas d’œuvre humaine à part votre œil et votre doigt. Il n’ y a pas de touché. Ce touché, nous l’avons un peu perdu avec le numérique. À l’époque de la photographie en noir et blanc, on retrouvait ce touché dans le laboratoire où on tirait ses photos. On les caressaient pour faire monter certains blancs, certains noirs. On les chauffaient, il y avait un contact physique avec ces photographies. Aujourd’hui avec le numérique il n’y a plus ce contact. Dans les deux cas c’est tout de même mécanique. Ma volonté était de donner une certaine noblesse à la photographie. Je parle du support. L’œil du photographe est la chose primordiale mais après, il faut donner une certaine classe, une certaine vie aux photos. Quand je vois les photos de Bardot avec ses yeux qui sont en volume, j’ai envie de les mettre en évidence, de redonner une certaine vie à mes photos qui ont 40 ou 50ans. Les faire bouger, les faire parler, les faire chanter, les faire sortir de leur boite. Il ne faut pas oublier que toutes les photos que vous voyez aujourd’hui sont des photos qui sont parues en format A4 dans les journaux à l’époque. Elles n’avaient jamais été agrandies. C’était la première fois que j’agrandissais moi même des photos en 50-60cm ou 1m20 de haut. Elles ont pris une certaine magie. Je leur ai donné une autre dimension, je les ai un peu magnifiées.

B!B!: Vous même vous avez redécouvert vos photos sous un autre angle?

Just Jaeckin: Complètement. Quand je faisais ces photos, j’avais l’impression d’être un bon photographe puisque j’étais considéré comme tel, mais j’avoue que quand je les revois en grand, je me rends compte que sur les 1000 photos que je fis, il n’y en avait que 10 très grandes, pas plus. Et puis j’ai été photographe très peu de temps en fait, de 1964 à 1970 .

Just Jaeckin, JaneFondaX
Just Jaeckin, JaneFondaX © Galerie Anne et Just Jaeckin
Just Jaeckin, Stadler 3
Just Jaeckin, Stadler 3 © Galerie Anne et Just Jaeckin

B!B!: Vous avez quand même beaucoup produit…

Just Jaeckin: Pas tant que ça. Si on regarde par exemple Helmut Newton, moi je n’ai pas énormément de photos. Je dois avoir 200 très belles photos maximum et comme je vous ai dit, 10 grandes photos. Il y a beaucoup de photos qui sont à jeter parce qu’elles ont été faites dans une visée commerciale, de presse ou publicitaire. Des photos parfaites mais inintéressantes puisqu’elles avaient pour but la vente, tandis que les photos de Bardot ou de Fonda, ce sont des photos presque personnelles.

B!B!: En revenant à la photographie et à la sculpture vous êtes revenu à votre premier amour en quelque sorte?
Just Jaeckin: C’est tout à fait ça. Je ne pouvais pas me le permettre avant, parce qu’il faut un atelier, du temps et du raisonnement. Il ne faut pas être embêté par des téléphones, des rendez-vous, etc.

Just Jaeckin, Gainsbourg
Just Jaeckin, Gainsbourg © Galerie Anne et Just Jaeckin
Just Jaeckin, Deneuveg
Just Jaeckin, Deneuveg © Galerie Anne et Just Jaeckin
Just Jaeckin, Eddylitc
Just Jaeckin, Eddylitc © Galerie Anne et Just Jaeckin
Just Jaeckin, Sylviakr
Just Jaeckin, Sylviakr © Galerie Anne et Just Jaeckin
Just Jaeckin, Ursulaan
Just Jaeckin, Ursulaan © Galerie Anne et Just Jaeckin
Just Jaeckin, Bardot moto
Just Jaeckin, Bardot moto © Galerie Anne et Just Jaeckin
Just Jaeckin, Marocain
Just Jaeckin, Marocain © Galerie Anne et Just Jaeckin

B!B!: Lorsque vous créez, qu’avez-vous envie de faire ressentir aux gens?

Just Jaeckin: J’ai envie qu’ils ressentent ce que je ressens. Je ne crée pas mes sculptures sur place, j’en rêve ou bien subitement en marchant dans la rue, j’ai une idée de sculpture par rapport à quelque chose de précis. Par la suite il me faut le temps de la digérer. Quand j’arrive à l’atelier, je commande ce qu’il me faut, les matières premières, les lumières, les néons et j’assemble. J’espère que les gens aimeront, mais moi j’aime ce que je fais. Je fais ce que je sens. Ma sculpture est bien dans l’absolu, par rapport à ce que j’avais en tête, à ce que je voulais réaliser. Quand j’ai réalisé à 90% ce que je voulais faire, je me dis que ma sculpture est bien. Est-ce que les gens ont aimé ou pas, est-ce que c’est bien par rapport au reste du monde, je ne sais pas. Après, c’est certain que j’espère que les gens vont aimer mais je n’écoute personne. Par exemple l’exposition sur les Indiens, l’idée était simple, c’était de faire entrer les gens dans l’art. C’est à dire qu’au lieu d’acheter une peinture ou une sculpture, ils posaient avec des traits d’indiens. Donc ils sont partis avec leur propre sculpture. Les gens étaient ravis, Jacques Seguela par exemple, a deux immense photos de lui et de sa femme de chaque côté de sa cheminée.

Just Jaeckin, Indien Bronze
Just Jaeckin, Indien Bronze © Galerie Anne et Just Jaeckin
Just Jaeckin, Indien Totem
Just Jaeckin, Indien Totem © Galerie Anne et Just Jaeckin
Just Jaeckin, Polo X le vainqueur
Just Jaeckin, Polo X le vainqueur © Galerie Anne et Just Jaeckin
Just Jaeckin, Le ladd tois quart
Just Jaeckin, Le ladd tois quart © Galerie Anne et Just Jaeckin
Just Jaeckin, Acrobates
Just Jaeckin, Acrobates © Galerie Anne et Just Jaeckin
Just Jaeckin, Cavaliers
Just Jaeckin, Cavaliers © Galerie Anne et Just Jaeckin

Galerie Anne et Just Jaeckin 
19 rue Guénégaud
75006 Paris
Tél: 01 43 26 73 65