Encore trop peu connu du grand public, Jules Wabbes s’inscrit pourtant dans la lignée des grands designers belges de son époque. Peu prompt à poursuivre ses études, il forgera son œil dès son plus jeune age par le biais de la photographie à Bruxelles , et commencera à chiner des meubles au marché aux puces dès l’âge de 16 ans. Au gré de ses rencontres, notamment lors de son service militaire, il décide d’ouvrir un magasin d’antiquités aux cotés de Louise Carrey, épouse de son vieil ami, le peintre Georges Carrey. Cette entreprise l’emmènera à apprendre aux cotés d’artisans la restauration et le travail de la matière jusqu’à en créer ses propres meubles.
Sa sensibilité évidente aux yeux de ses clients, lui donnera accès a des commandes de décoration d’intérieur. Son activité prenant de plus en plus d’ampleur, il fonde sa propre agence de design aux cotés d’André Jacquemin et migrera rapidement vers l’architecture d’intérieur: bureaux, théâtres, pièces privées pour la famille Royale belge, pour le « Foncolin » ou le drugstore Louise à Bruxelles. Il poursuivra en parallèle la conception d’objets, bibliothèques, luminaires, tables, chaises signées pour la maison d’édition de meuble « Le mobilier Universel » fondée en 1957.
Tout au long de sa carrière il n’aura de cesse de conjuguer les deux; conceptualisant ses objets comme des oeuvres architectoniques et pérennes, et dessinant les espaces avec une finesse de détail ne laissant rien au hasard; l’échelle de ses projets ne changeant rien au raffinement et la sobriété qu’il y injecte. La particularité de Jules Wabbes est son approche personnelle du matériaux oscillant entre le wengé, les aciers brossés, les métaux précieux, les plafonds sculptés et la lumière comme matériau intrinsèque.
Il sera d’ailleurs primé à deux reprises à la Triennale de Milan, remportant la médaille d’argent en 1957 pour sa collection de mobilier pour le « Foncolin », et en 1960 se hissant à la première place grâce à un ensemble de mobilier destiné à une école: bureaux, armoires, lits… Il créa également un luminaire composé de onze strates d’acier pour l’Exposition Universelle d’Osaka en 1970 qui restera un objet remarquable de son travail.
L’œuvre majeure de sa carrière apparaîtra à la fin de sa vie, dans sa ville natale, où, en 1971 il est appelé à la conception des nouveaux bâtiments du siège social de la Société Générale de Banque, actuellement BNP Paribas Fortis assisté de Jeannine Garot. L’atmosphère y est minutieusement travaillée; autant pour l’ambiance presque cinématographique des coffres forts et des halls, que dans le confort et l’élégance des bureaux de la direction. La sophistication est poussée à son paroxysme jusque dans la conception des poignets de porte, tapis (conçus avec l’aide de l’artiste Sheila Hicks), dégradés de matériaux, travail de réflection de la lumière, faisant dialoguer le mat et le brillant de chaque élément.