Tout le travail du peintre sculpteur Izumi Kato est sans titre. Il veut laisser le spectateur à une libre et entière interprétation de ses œuvres. Nous laissant sans nos repères habituels. On reste happés par ces créatures sans pour autant déchiffrer leur nature. Des créatures hors des normes d’identification et qui nous plongent dans un univers mystique et ambivalent. La seule distinction qu’on pourrait faire est celle du sexe (et non du genre) grâce aux attributs anatomiques comme les seins ou le pénis. Les expressions récurrentes de leurs visages sont des yeux dilatés et habités avec une bouche en cœur ou entrouverte comme si elles étaient en transe, en cours de connexion avec l’au-delà. Elles semblent aussi pleines de magie faisant pousser de leurs membres des germes, des racines ou des feuilles. Ces créatures aux formes tant ingénues qu’inquiétantes font penser au travail d’un autre artiste japonais Yoshitomo Nara. Les deux peintres se rejoignent dans les lignes rondes, chaudes et infantiles tout en dévoilant avec douceur une ambiance mystérieuse, énigmatique et déconcertante.









Né en 1969 à Shimane (Japon), Izumi Kato a fait des études d’art à l’université de Musashino mais ce qu’il y a étudié (comme l’art moderne par exemple) ne l’a pas fasciné. Il dit être plus sensible aux œuvres de personnes qu’on ne qualifierait pas nécessairement d’« artistes » comme les enfants ou les malades mentaux et auprès desquels il trouverait une influence plus forte. Il y a en effet dans son travail une connivence avec l’art brut où l’instinct peut être source de symbolique. La composition de ses tableaux est d’ailleurs simple dans l’agencement de l’espace sans perspective élaborée. Cela dégage avec plus de force la singularité de ses créatures qui reflètent le peintre dans l’imaginaire, la conception et la technique qui les composent et aussi dans ses obsessions ou préoccupations avec ce trio de personnages qu’on retrouve dans plusieurs tableaux. Ces êtres sont ses outils de création, ce par quoi il s’exprime. Il ne faut pas nécessairement y trouver une signification rationnelle. Il n’est pas question d’intellectualiser son travail, c’est sans doute pour cette raison que ses œuvres soient sans titre et qu’il préfère ainsi, que l’imagination du spectateur soit sollicitée et qu’elle soit la pièce manquante de l’œuvre afin de la saisir (dans son double sens) ou pas. Izumi Kato trouve d’ailleurs l’avis de ce dernier plus important que le sien. Cependant, il veut éviter de raconter des histoires se restreignant souvent à un personnage par tableau pour garder un suspense mystérieux. Il met alors le spectateur face à un challenge qu’il peut abandonner aussi très vite. Mais la force du mystère nous étreint surtout quand on ne connaît pas ses fondements. Quels sont ces visages dont la bouche semble en mutation? Qui est cette femme-chauve souris? Ces figures aux bras levés, pourquoi ont-elle des visages à la place des mains? Ces figures qu’il a aussi représentées en sculpture nous rappellent des statues au pouvoir incantatoire d’Afrique de l’Ouest. Il y a aussi dans ses œuvres, des compositions totémiques, des sortes d’amulettes ou de statuettes qu’on pourrait utiliser lors de cérémonies rituelles, qui marquent son travail dans une résonnance avec un temps ancien, primitif. Comme parti pour un voyage, pour une introspection, il nous livre les images de ses explorations, il déclare d’ailleurs : « La peinture remet le monde en question. C’est une forme peu naturelle par rapport à notre habituelle vision de l’espace en trois dimensions. De ce fait il n’y a rien d’étrange à la sculpture mais la peinture, c’est différent. On y cherche un autre monde ». Et ce monde n’en serait pas un, s’il n’était dicté que par les visions du peintre, nous pouvons aussi y contribuer avec notre imagination.














