Un patchwork de textures, de matières, de couleurs d’où se détache une tête de biche ou une paire de cornes, comme un trophée rapporté d’une partie de safari sur le manteau d’une drôle de cheminée. Bienvenu dans l’univers d’Hugo Brissaud.
Hugo Brissaud est autodidacte. Son art, il l’a appris au contact de celui des autres. Son père, taxidermiste d’animaux sauvages, auprès de qui, enfant, il faisait ses devoirs, entre les crânes de mouflons et les produits chimiques. Plus tard, en reproduisant minutieusement les toiles de Lichtenstein. (Même si aujourd’hui, c’est plutôt à un autre maître du pop art que son travail peut faire penser: Rauschenberg et son fameux Monogram.)
Un jour, lassé de l’imitation, il se lance dans l’abstraction, et plus précisément encore dans la « composition », qui devient chez lui un véritable outil de réflexion. Hugo est un grand cinéphile (quand il ne peint pas, il travaille d’ailleurs dans une maison de production de cinéma). Son travail sur les superpositions fait référence à la profondeur de champs. Le regard est laissé libre de parcourir les différentes surfaces et objets qui rivalisent pour attirer notre attention. Comment concilier les éléments les plus fidèlement naturels que sont les ossements, les cornes, le bois de la taxidermie, et les matières plastiques, métalliques fabriquées par l’homme ? Comment transformer la toile en sculpture, la surface en architecture?
L’harmonie ne s’obtient qu’à force de recherches, de manipulations. La place des pièces du patchwork n’est jamais arrêtée: le collectionneur, s’il le souhaite, peut dévisser, déplacer, refixer les différents éléments d’une toile. C’est le cas de Chemin par exemple. Hugo lui-même n’hésite pas à dire d’une pièce qu’elle « a vécu ». Il en récupère les éléments, et les réemploie pour un autre travail. Ainsi Chimère n°1, que vous pourrez voir ci-dessous, n’existe plus aujourd’hui.
Dans les compositions d’Hugo Brissaud, les ossements et crânes d’animaux sont d’une beauté dérangeante. Ils empruntent au genre de la vanité, dont l’emblème est depuis toujours le crâne. Une des toiles les plus puissantes d’Hugo Brissaud, Le Charnier, intègre dans sa composition un crâne de babouin. Dans l’écrin des compositions abstraites, le crâne se détache comme un masque, une présence totémique, évoquant un culte animiste dont on aurait perdu le souvenir.
Damaliscus Dorcas. Acrylique sur toile, ferraille, boulons, crâne de damalisque à tâche blanche, 116 x 89 cm © Hugo Brissaud
Damaliscus Dorcas (détail). Acrylique sur toile, ferraille, boulons, crâne de damalisque à tâche blanche, 116 x 89 cm © Hugo Brissaud
Charge d’antilope. Acrylique sur plexiglas, boulons, pivots osseux, 50 x 50 cm © Hugo Brissaud
Hippotrague Rouan. Acrylique sur toile, plexiglas, ferraille, boulons, pivots osseux d’Hippotrague Rouan © Hugo Brissaud
Chimère n°1. Acrylique sur toile, plexiglas, boulons, moulure polyuréthane, 130 x 90 cm © Hugo Brissaud
Chimère n°1 (détail). Acrylique sur toile, plexiglas, boulons, moulure polyuréthane, 130 x 90 cm © Hugo Brissaud
Grand Bubale. Acrylique sur bois, plexiglas, boulons, crâne de Bubale sculpté, 120 x 90 cm © Hugo Brissaud
Le Charnier. Acrylique sur toile, acier, boulon, partie supérieure d’un crâne de babouin, ossements, 116 x 89 cm © Hugo Brissaud
Le Charnier (détail). Acrylique sur toile, acier, boulon, partie supérieure d’un crâne de babouin, ossements, 116 x 89 cm © Hugo Brissaud
L’ours et le léopard. Acrylique sur toile, ferraille, crâne d’ours, crâne de léopard, 134 x 92 cm © Hugo Brissaud
Ourebi. Acrylique sur bois, plexiglas, crâne d’Ourebi, 23,5 x 45 cm © Hugo Brissaud
Hugo Brissaud conçoit la toile comme un prolongement de soi, l’espace où concilier les différents aspects de sa personnalité. Mais s’il est une constante dans son travail c’est l’amour des choses bien faites, une qualité primordiale en taxidermie, mais aussi pour dessiner les contours si propres des toiles de Lichtenstein. Le choix de travailler le plexiglas, une matière très fragile, qui se raye au moindre contact, témoigne de cette exigence. Et les empreintes manuelles (dessins à la spatule sur le crépi sablé, dropping de peinture colorée, constructions géométriques) sont chez Hugo Brissaud d’une rare précision et régularité.
Figuration d’un troupeau de zèbres en déplacement, 2008. Acrylique sur toile, ferraille, boulons en acier, 100 x 73 cm © Hugo Brissaud
Figuration d’un troupeau de zèbres en déplacement (détail), 2008. Acrylique sur toile, ferraille, boulons en acier, 100 x 73cm © Hugo Brissaud
Figuration d’un troupeau de zèbres en déplacement (détail), 2008. Acrylique sur toile, ferraille, boulons en acier, 100 x 73cm © Hugo Brissaud
Chemin. Plexiglas, bois, boulons, 158 x 158 cm © Hugo Brissaud
Dans la brume électrique. Toile, bois, acier, 116 x 89 cm © Hugo Brissaud
Dans la brume électrique (détail). Toile, bois, acier, 116 x 89 cm © Hugo Brissaud
Vous pouvez voir le travail d’Hugo Brissaud dans le cadre de l’exposition « Les Gardiens du Pont », du 15 janvier au 5 février 2012, à la Manufacture du Rêve (sous le Pont Alexandre III, rive gauche).
Si vous aimez l’utilisation de la taxidermie en art contemporain (une vraie mode!), pensez à l’exposition « Bêtes Off » à la Conciergerie.