Les sculptures de la jeune artiste Gaëlle Cressent sont le fruit d’une logique de renversement. Elles sont une reconsidération des sujets et des matériaux de la sculpture classique. Ainsi, les œuvres nées de ces processus de réflexion évoquent certains aspects ou figures reconnaissables de l’art: la blancheur de la pierre, le jeu des drapés à plis mouillés, les bustes à taille humaine ou certaines postures de statues antiques. Ce sont ces éléments communs à la facture et au matériau traditionnel qu’elle tente de contourner.
L’artiste crée un écho, un effet de reconnaissance entre le muséal et le quotidien. Elle pense la possibilité d’une omniprésence du beau sculptural dans la matière même des choses du quotidien. Elle nous montre que l’équilibre des formes et la valeur estéthique de cette chair du monde peut être inscrite dans ses manifestations les plus triviales.
Au fond, ces installations relèvent plutôt d’un revers de la sculpture, d’une manière de retournement/détournement de la statuaire. Elles se présentent, de prime abord, comme les résultats inévitables d’opérations anodines (bricolage, travaux, peinture de bâtiment, emballage); elles troublent par leur apparente simplicité. Le geste du sculpteur amasse, rassemble, empile, emballe ou… trouve.
Contrairement aux statues antiques, les sculptures de Cressent ne montrent pas le corps posant un canon de beauté admirable, mais une absence du corps. Le corps est montré par sa trace, indirectement, par le truchement de la marque qu’il laisse dans la matière, par son empreinte. Le corps est vestige, souvenir, trace. C’est une place vide, ou vidée qui est donnée à l’oeil, ou le corps est suggéré et donc imaginé.
Un corps en creux « vient » de quitter les lieux de l’œuvre qui sont ces matériaux propices à l’empreinte (la plâtre, le sable), où la chaleur demeure. C’est donc la trace d’un corps potentiel, une trace fragile, qui semble elle-même éphémère.