Le travail pictural de François Jacob s’inscrit dans une démarche de figuration. Que ce soit à la peinture à l’huile, à la gouache, à la mine de plomb ou encore au fusain, il s’agit pour François Jacob de présenter tout d’abord des figures. Des figures en son sens premier, à savoir des visages, des portraits qu’il choisit, présente, puis représente. La figure est pour lui un objet de fascination, de charge émotionnelle sans cesse renouvelée. Dans « Princesse », « Fuites » ou encore « Androgyne », il nous donne à voir une figure humaine qu’il fend, noue, coud et découd dans un même temps et un même geste. On rencontre dans son travail nos alter egos, sans concept, sans intellectualisation des sujets, dans leur violente immédiateté. Immédiateté car malgré un geste minutieux et précis, il en ressort une certaine douleur, ou tout du moins un malaise. Les corps ne sont pas mis en abîme, et bien que les figures soient précisément déformées, re-interpretées, elles ne sont pas minaudantes et rentrent en contact direct avec son spectateur.
© François Jacob, Princesse, 19 x 26 cm, fusain sur papier
© François Jacob, Fuites, 100 x 116 cm, huile sur toile
© François Jacob, Androgyne, 100 x 116 cm, huile sur toile
Chez François Jacob, la figure représentée en tant que symbole, en tant que pas en arrière de la réalité, nous emmène quelque part. La déformation altère la réalité pour nous en dire autre chose. C’est précisément là où il souhaite en venir: la réalité est représentée en tant qu’appas, qui après avoir été capturé doit être modifié et digéré pour pouvoir être montré tel qu’il est. La réalité et la figure dans celle-ci est donc menteuse et l’acte d’appropriation n’est jamais une caricature mais plutôt un débordement. « Mamobiches », un travail de dessin au fusain et vernis sur papier dévoile le corps d’une femme, assise sur un siège, seins nus. Pourtant, le visage est tellement diminué au reste du corps, qu’il disparait dans une noirceur d’où surgissent des cerfs et des biches. Est-ce la femme qui devient grotesque avec son énorme poitrine ou est-ce le décor qui se rend modeste face à la monstruosité de l’humain? « Grossir les traits ou au contraire les minimiser au regard de ce qu’il est (im)pertinent de révéler du sujet ». C’est précisément cette ambiguité cynique qui nous emmène dans cet univers résolument gracieux où violence et beauté se mélangent.
© François Jacob, Mamobiches, 50 x 40 cm, fusain et vernis sur papier
Dans ses dessins au fusain, le travail du clair obscur intensifie la disproportion, toujours maitrisée. « Leçon » en est un exemple très représentatif: le dessin est abordé par une base claire qui se noircit au fur et à mesure pour faire surgir les protagonistes. Il s’agit donc d’un acte de salissure, de rature d’une réalité présumée claire et blanche qui est envahie par le geste du créateur. Cet envahissement imposé par ce travail du clair obscur est également représenté picturalement puisque l’homme est disproportionnellement petit comparé au personnage de la femme. Ou bien la femme est beaucoup trop grosse. Cette femme au trait masculin et imposant est poignardée dans le dos par l’homme, avec un couteau. Ainsi, en rentrant dans une lecture plus narrative de l’œuvre, le tableau social naturel qui était imposé à l’homme, à savoir sa disproportion handicapante par rapport à la femme (qu’elle soit sa mère, sa femme ou autre), a été modifié par ce dernier, qui en poignardant le personnage féminin, inverse et salit la réalité telle qu’elle lui été imposée.
© François Jacob, Leçon, 50 x 50 cm, fusain et vernis sur papier
Le travail de dessin et de peinture de François Jacob est donc un jeu constant de regard sur la réalité et d’amusement cynique à la détruire et la reconstruire. « Il existe dans ma pratique un mouvement de va-et-vient entre le recul et la fidélité dans la représentation de la réalité. C’est dans cette discussion, ce balancement que je pense poser un univers moite où se conjuguent la grâce et grotesque. »