Éric Tabuchi est un de ces photographes obsessionnels, insatiable traqueur d’objets à capturer par l’image. D’origine dano-japonaise, c’est au gré des kilomètres – des dizaines de milliers – qu’il construit son œuvre photographique organisée en séries. Sous des étiquettes diverses (« Monuments », « Small Buildings », « Concept stores »…), il décline des clichés de paysages périurbains où l’homme brille par son absence. On pourrait croire ses photographies prises à l’étranger, dans des villes fantômes de l’Ouest des États-Unis où subsisterait le souvenir d’une activité révolue, pourtant ce sont uniquement des fragments du paysage français collectés dans un rayon de 250 km autour Paris. Car, c’est bien un territoire familier qu’Éric Tabuchi s’attache à représenter. Un territoire modelé par des aménagements plus ou moins cohérents et aboutis. D’où cette incongruité qui se dégage parfois de certains de ses clichés lorsque un objet tout à fait banal (un bloc de béton, un panneau de signalisation, une remorque…) devient la figure centrale d’une image. D’où également cette impression d’impropriété entre l’objet et son environnement (un skatepark cerné par la verdure) voire d’anachronisme (un camion itinérant orné d’une enseigne en néons au milieu d’un champ). C’est ainsi qu’il parvient à faire surgir l’Ailleurs dans l’Ici, comme si l’exotisme pouvait surgir au détour d’une route ou au milieu d’un champ. Preuve qu’une exploration approfondie de notre environnement peut encore révéler son lot de surprises.
Éric Tabuchi, Abandonned Gasoline Station ©
Éric Tabuchi, Abandonned Gasoline Station ©
Éric Tabuchi, Eldorado ©Éric Tabuchi, Eldorado ©Éric Tabuchi, Eldorado ©Éric Tabuchi, French Countryside Skateparks ©
Éric Tabuchi, French Countryside Skateparks ©
Diffusé sur Google maps, le travail d’Éric Tabuchi questionne l’emprise de l’urbain sur les paysages avec la même frontalité dont usaient le couple Bescher lorsqu’ils inventoriaient les constructions industrielles. Si la démarche est similaire, elle est toutefois moins protocolaire: en visiteur avisé et souvent partisan du hasard, le photographe sillonne le territoire pour y dénicher terrains vagues et décharges, parkings et lotissements, motels et stations services, hangars et centrales nucléaires… qui deviennent ainsi des icônes figées par l’acte photographique. À regarder de près ces bâtiments qui composent la série « Small Buildings », on croirait avoir affaire à des portraits. Comme si l’on pouvait alors tenter de comprendre le monde à travers ces objets façonnés par l’homme et, plus encore, de percer leur singularité.