C’est en 2006, qu’Émeric Chantier débute sa carrière à Paris. Son atelier situé à Montreuil permet de découvrir l’étendu de son talent. Inspiré par la Nature, les Hommes et plus largement par son environnement, ses compositions nous questionnent, nous bousculent, nous convient à la rêverie. Elles interrogent l’homo politicus que nous sommes, discutent et se disputent des ancrages des Hommes et de la Nature dans notre univers. Il est viscéralement obsédé par cette question, tiraillé, à la quête d’une vérité. Il n’y a pas de place pour l’à-peu-près. Tout est millimétré, calculé, pensé, imaginé, poétisé. Tout semble réel, tout s’accorde.
Ainsi, Définition(s), une série d’une dizaine d’œuvres organiques sculptées, modelées, met en scène diverses espèces animales et formes humaines que l’on pense vraie par leur beauté, par ce qu’elles évoquent dans notre cosmos, dans notre système bien ordonné. Pour Émeric Chantier, il n’en est rien. Définition(s) comme son sens l’indique, est une opération (artistique) par laquelle est déterminé le contenu d’un concept en énumérant ses caractères. Ici, tout est question d’angle(s) de vue, d’appréhension(s), de compréhension(s), d’interprétation(s) et de savoir(s). La Nature s’expose avec clarté et profondeur.
Tantôt libre, parfois confinées par ses soins sur des espaces réduits, ses créatures appellent « au secours », à la compassion à la tendresse. C’est un appel à l’émotion. C’est avec une certaine intelligence, une certaine sensibilité et un véritable savoir-faire qu’Émeric Chantier arrive à manipuler avec brio cette matière sèche et sauvage en mettant implicitement en exergue le processus de conflit entre Nature et artificialisation des espaces.
Le regard permet de préciser sa pensée. Tout est détail, enracinement : c’est la partie d’un objet qui permet le rattachement à quelque chose, à l’encre de quelque chose, à l’Homme, à la Nature. Regarde-Moi offre cette perspective. Les compositions artistiques rendent possibles le lien entre le végétal et l’humain. Elles sont ce lien que l’on ne peut défaire. L’anatomie botanique, les fibres élastiques permettent au corps, à la matière de se mouvoir, de s’animer, de se déplacer, de prendre position. Elle nous apparaît tel un système musculaire de l’intérieur.
C’est l’état naturel des choses : l’humanum natura, la naissance du monde, l’origine du monde. La chrétienté, la religion, prend sa part dans celle-ci. L’on y trouve un clin d’oeil à Michel-Ange La Création d’Adam où dieu donne vie à l’homme, il le crée à son image. Il est celui qui donne la vie mais aussi celui qui l’exploite, la détruit, la viole, la monétise quand elle est associée à Dame Nature. Il – l’Homme – est au cœur de tout. Il est le cœur de l’organisation sociale où l’écologie interagit avec le développement humain : ils sont indissociables.
Tout passe par le symbole. Hands, la main, représente notre capacité à donner, à recevoir, à toucher, à sentir, à communiquer. Elle nous permet de réaliser nombre de choses. Elle est la garantie d’un travail de qualité, de précision. D’elle émane la capacité d’exercer, d’entreprendre, elle détient le pouvoir. Elle est la Création, celle qui montre le chemin à suivre. Quand elle est associée à la chiropractie, elle peut découvrir l’avenir d’une personne, de décrire l’état d’une chose. Émeric Chantier apprivoise la matière, attire l’attention, nous met en garde.
Consommables. Toutes ses œuvres sont consommables : c’est-à-dire qu’elles sont à la fois des accessoires jetables ou réutilisables. Canettes, boîte en aluminium, ampoules, tout est réutilisable, tout peut avoir une seconde vie. Encore une fois, tout à un sens : l’activité naturelle se lie avec l’activité humaine. Des références à notre activité économique et la restauration rapide : Big Mech nous évoque la grande enseigne américaine reconnu pour sa malbouffe : Mcdonald’s. Can 5 fait référence aux différents désastres de navires pétroliers qui déverse leur or noir sur notre nature. Ici, le pétrole est suggéré, il est remplacé par un tronc d’arbre, qui se répand sur l’ensemble de la structure. L’arbre symbolise la vie, l’Homme, il est un lieu sacré. Ses racines fouillent les profondeurs, il est à l’origine de la vie, comme la religion. Il témoigne de l’évolution perpétuelle de notre monde.
Il est la création, le vivant, il renvoie à la Terre, il est le lien entre l’ici-bas et l’Au-delà. Les racines donnent l’équilibre, elles sont enfoncées, bien ancrées. Les branches, elles, tendent vers l’Au-Delà, vers le Ciel. Elles représentent le rêve et le réel, l’avenir à la fois incertain et prospère.
Émeric Chantier tente de faire vivre cette Nature, il met en avant toutes ses caractéristiques, sans censure, sans mensonge, il nous livre une vérité déconcertante mais créative. Plus qu’un artiste, il est un designer du monde. Son travail est engagé, humain, vrai et tente d’apporter une réponse qui n’en est pas une.