Se sentir petit, voilà la première chose que l’on ressent lorsque l’on se trouve devant une peinture de David Campbell. D’ailleurs, sa série « The Giant » porte bien son nom puisque un homme immense aux allures primitives semble nous mettre à nu derrière un visage non identifiable. Il nous scrute, nous dévisage. Nous sommes risibles face à cette masse importante, dont on ne discerne que les trois-quarts du buste. La contre-plongée, presque excessive, nous réduit à une petitesse physique. Ce géant nous surplombe, nous toise. Le travail épuré avec des formes simples, peu de sujets, et des aplats de couleurs, ne peut que nous mettre mal à l’aise. On regarde forcément et fixement ce personnage qui nous rend si bien notre coup d’œil inquisiteur. L’interrogation semble alors devenir réciproque et plus on observe ce géant, plus on y reconnaît du réalisme. David Campbell nous interpelle par sa manière de peindre mais aussi par ses sujets.
© David Campbell, The Giant & Bull, 25×36 cm, 2013
© David Campbell, The Giant (Abduction), 15×23 cm, 2013
© David Campbell, The Giant (Ambush), 18×30 cm, 2013
© David Campbell, The Giant (Asteroid), 25×36 cm, 2013
© David Campbell, The Giant (Jumping a Chasm), 23×30 cm, 2013
© David Campbell, The Giant, 23×30 cm, 2012
© David Campbell, The Ordained Destruction Of Paul McDevitt
Avec une peinture à l’huile épaisse et déposée au couteau, les œuvres paraissent vaporeuses. Quelque chose qui nous empêche de pleinement apprécier et découvrir les sujets peints semble les recouvrir. Et pourtant nous sommes attiré vers ces œuvres où l’on discerne la matérialité de la peinture. En effet certains sujets ne possèdent ni identité, ni visage, ni expression comme dans les oeuvres « Meredith », et « Drew By Lamp ». Seul les corps retranscrivent leurs émotions. Les figures masculines sont quelque peu pataudes et maladroites. Les sujets posent statiques dans des environnements quotidiens. Pourtant une peinture épaisse et brumeuse comme celle-ci suggère habituellement un mouvement quelconque, capturé de façon prompte. Mais c’est dans la façon dont l’artiste travaille qu’il y a de la rapidité. L’œuvre se fait sans étude préliminaire. David Campbell veut que son énergie et son intérêt se concentrent dans le premier jet. On remarque aisément le geste vif et fugitif de l’artiste.
© David Campbell, Ah, 20×25 cm, 2013
© David Campbell, Drew By Lamp, 15×20 cm, 2012
© David Campbell, Meredith, 23×30 cm, 2013
© David Campbell, Jenn, 13×20 cm, 2012
Tout comme Marcel Duchamp, inventeur des ready-mades, le titre des œuvres de cet artiste nous amène dans une nouvelle dimension. Le rapport à l’humour est indéniable et nous permet d’avoir une autre vision et perception des travaux de son travail. Ainsi des peintures comme « Frightened of his own reflection » qui veut littéralement dire: « Effrayé par son propre reflet » ou « Touching my wife’s hair while she sleeps »: « Touchant les cheveux de ma femme pendant qu’elle dort », sont perçues autrement par la signification que le titre leur attribue. Ces mouvement qu’effectuent les sujets, si insignifiants au premier abord, peuvent alors être interprétés. Notre imagination est contenue par le geste. Dans cette série, ce n’est plus le travail d’une peinture inachevée qui éveille notre imagination mais cette réflexion autour du titre.
© David Campbell, Frightened Of His Own Reflection, 26×26 cm, 2012
© David Campbell, Getting Ready To Swat A Fly, 23×28 cm, 2012
© David Campbell, Bang-Head-Pan-Time, 36×69 cm, 2012
© David Campbell, Bouncing A BeachBall, 44×56 cm, 2012
© David Campbell, Fixated On A Broken Egg, 26×26 cm, 2012
© David Campbell, « Get Out Of My Dreams… », 16×56 cm, 2012
David Campbell, How Many Goggles Do Polar Bears Sweat?, 23×28 cm, 2012
© David Campbell, Imitating A Rabbit, 26×26 cm, 2012
© David Campbell, Touching My Wife’s Hair While She Sleeps, 33×41 cm, 2012
© David Campbell, Will You Follow Me To LongSTore 6?, 26×26 cm, 2012
David Campbell aime peindre son quotidien. Une reconnaissance et une identification entre nous et ses sujets si ordinaires sont alors possibles. Les sujets traités dans ces environnements prosaïques sont le fil conducteur de son travail. Pour David Campbell, développer ses œuvres au fur et à mesure qu’il avance dans la peinture, est ce qui l’intéresse et où réside tout le mystère. L’idée se forge tout au long de son travail. Il veut « convaincre le spectateur que ce qu’il regarde est né d’une expérience personnelle authentique ».