Claire Tabouret, lauréate du Prix Antoine Marin 2013, est une peintre contemporaine dont le travail invite le spectateur à renouer avec une réalité qu’il ne voit pas toujours. En travaillant ses oeuvres par couches, par transparence, de disparitions en réapparitions, elle choisit de donner à voir une réalité incertaine, où se mélangent aplats, épaisseurs et fluidités.
Ses premières séries à l’acrylique livrent souvent des éléments isolés. Des personnages seuls apparaissent dans un amoncellement de couches aux teintes sombres. Apparaissent-ils ou disparaissent-ils? C’est le jeu de l’ambiguité qui nous interroge. Claire Tabouret ne donne pas de réponse, elle questionne son rapport au monde et par la même, notre propre relation à celui-ci. On plonge à la fois dans des images proches des souvenirs d’enfance, une jeunesse qui s’efface dans les possibles du futur, et à la fois dans une mélancolie nouvelle.
© Claire Tabouret, L’errante. 2013. acrylique sur toile – 24 x 19cm.
© Claire Tabouret, L’indienne. 2013. acrylique sur toile – 27 x 22 cm.
© Claire Tabouret, Les yeux bandés. 2013. acrylique sur toile – 35 x 27 cm.
© Claire Tabouret, Sans voir 1. 2013. acrylique sur toile – 24 x 19 cm.
© Claire Tabouret, L’affront. 2013. acrylique sur toile – 145 x 200 cm.
© Claire Tabouret, L’affront. 2013. acrylique sur toile – 145 x 200 cm.
© Claire Tabouret, Les insoumis. 2013. acrylique sur toile – 260 x 390 cm
Ses paysages vacillent entre figuration et abstraction: sans nul doute, nous savons où nous sommes, sur un plan d’eau, dans un champ… Pourtant, sa peinture à l’acrylique et son travail à l’encre nous invitent constamment à y réfléchir. En pleine mer, une barque peuplée d’individus s’impose dans une atmosphère lourde. On ne distingue ni ligne d’horizon, ni l’identité réelle des personnages. Perdus dans le temps, les passagers semblent stagner, peut-être par sécurité: viennent-ils de quitter l’enfer ou sont-ils sur le point d’y arriver? Le traité en aplat fige leur réalité et pourtant, le danger qui émane de ce travail lui donne une grande fluidité, une mouvance continue.
La question du temps donne au travail de Claire Tabouret toute sa pertinence. Les réalités qu’elle peint semblent provenir d’espace-temps en suspension, où l’objet s’actualise au fur et à mesure que les couches s’entassent, pour n’être à l’arrivée qu’un souvenir.
Dans ses maisons inondées, qu’elles soient travaillées au lavis, à l’encre de Chine, au feutre ou encore à l’acrylique, les paysages qu’elle nous donne à voir nous inquiètent. La lumière violacée de certains dessins contraste avec la sincérité de ce que l’on voit. Un paysage réaliste aux couleurs impossibles, qui sont toutefois rendues complètement crédibles par l’ambiance inquiétante dans laquelle elle nous plonge. Les bateaux abandonnés sur le large nous racontent une histoire: que s’est-il passé? L’inquiétude ne nous guette pas à cause de ce qui est représenté, mais par ce qu’elle nous suggère. Des histoires sombres racontées avec une vivifiante froideur.
© Claire Tabouret, The peace commission tent. 2010. acrylique sur toile – 98 x 120 cm
© Claire Tabouret, Le passeur. 2011. acrylique sur toile – 200 x 250 cm.
© Claire Tabouret, Le radeau. 2011. acrylique sur toile – 250 x 180 cm.
© Claire Tabouret, L’homme aux valises. 2012. acrylique sur toile – 200 x 145 cm.
Lors d’une résidence de création à Pékin, Claire Tabouret décide d’entamer une série d’autoportraits. « On dit que le corps humain est composé à quatre-vingt pour cent d’eau, aussi n’est-il guère étonnant qu’un autre visage apparaisse chaque matin dans le miroir ». En découvrant cette citation de la romancière japonaise Yoko Tawada, Claire Tabouret, entame alors une série d’autoportraits à l’encre de chine sur papier de riz et questionne l’identité et le rapport à soi dans le temps. Le papier boit l’encre avant qu’une intervention, irrégulière et pourtant constante vienne montrer de nouvelles formes. Ses autoportraits constituent un grand mur, où chaque pièce représente un nouveau visage pourtant déjà vu. Ce travail a été notamment exposé lors du salon de dessin contemporain Drawing Now Paris 2013.