« Photographier ces paysages m’a permis de créer mes propres lieux, de me les approprier. Photographier ces paysages m’a permis de me rappeler la substance imprécise des rêves. Un lieu existe aussi par le regard que l’on porte sur lui. » Ainsi, selon Cédric Dubus, un lieu aurait deux existences. L’une réelle, l’autre dans la perception qu’on en a. Que lui en a. Cette citation est éclairée par son travail photographique, qu’il définit à juste titre de « tranquillement spectaculaire ». Il offre à ce qu’il photographie la chance d’être vu, d’être regardé avec patience, d’être attirant; l’esthétique de ses photographies est celle d’un changement de regard. Un bâtiment fait de tôles grises, planté au milieu d’un bitume sans âme, est transposé dans l’espace muséal, cadré, encadré, brillant, et tout d’un coup, émouvant. Tel Duchamp qui nous force à changer notre regard sur un bête urinoir, Cédric Dubus nous emmène dans de tristes paysages qu’il rend splendides.
Sa série « Mute » est saisissante… Explorons à travers elle ce que Cédric Dubus entend par « tranquillement spectaculaire ». Le spectacle est une mise en scène qui impressionne, qui suppose des acteurs et un public attentif. La tranquillité est presque l’inverse du spectacle: solitaire, elle ne suppose rien d’autre que le vide ou le calme. Elle se laisse aller à ses perceptions… Écouter le bruit de la mer, le souffle du vent, le chant des oiseaux. Alors, le « tranquillement spectaculaire » serait l’idée de la mise en scène d’une infime impression. « Je photographie quand quelque chose attire mon regard, je n’ai pas de sujet » explique l’auteur. Il a photographié des bris de verres sur le bord d’un trottoir. Si nous passions à côté, nous les éviterions, pour ne pas se piquer les pieds, nous passerions vite. Et pourtant, si l’on s’arrêtait, on verrait le reflet de la lumière dans les angles aigus du verre brisé, nous verrons les pissenlits qui pointent leur nez entre deux dalles du bitume. Les fragments de verre seraient comme une banquise en train de fondre, se morcelant en mille îlots de glace, et les fleurs ressembleraient à des palmiers au milieu du Grand Nord.
© Cédric Dubus, Sans titre de la série Mute, avril 2012
© Cédric Dubus, Sans titre de la série Mute, avril 2013
© Cédric Dubus, Sans titre de la série Mute, février 2013
© Cédric Dubus, Sans titre de la série Mute, février 2013
© Cédric Dubus, Sans titre de la série Mute, février 2013
© Cédric Dubus, Sans titre de la série Mute, novembre 2012
© Cédric Dubus, Sans titre de la série Mute
© Cédric Dubus, Sans titre de la série Mute
© Cédric Dubus, Sans titre de la série Mute
© Cédric Dubus, Sans titre de la série Mute
© Cédric Dubus, Sans titre de la série Mute
© Cédric Dubus, Sans titre de la série Mute
© Cédric Dubus, Sans titre de la série Mute
© Cédric Dubus, Sans titre de la série Mute
© Cédric Dubus, Sans titre de la série Mute
© Cédric Dubus, Sans titre de la série Mute
@ Cédric Dubus, Sans Titre de la série Mute, août 2012
@ Cédric Dubus, Sans Titre de la série Mute, février 2013
@ Cédric Dubus, Sans Titre de la série Mute, février 2013
@ Cédric Dubus, Sans Titre de la série Mute, février 2013
@ Cédric Dubus, Sans Titre de la série Mute, février 2013
@ Cédric Dubus, Sans Titre de la série Mute, février 2013
@ Cédric Dubus, Sans Titre de la série Mute, février 2013
Imaginer, ou pas, et contempler simplement ce que nous offre le réel, le regarder attentivement et en tirer le meilleur, le sucer pour en tirer une esthétique. Cédric Dubus nous offre la chance de changer notre regard. Regarder les bâtiments préfabriqués non comme des horreurs dont on attend le départ, mais comme une beauté contemporaine; ou même, oublier ce concept de beauté pour privilégier l’émergence d’une seconde existence des choses. Ce n’est plus un préfabriqué, c’est une forme qui apparaît dans la promenade dominicale, une forme qui ne bluffe pas avec des ornements et des trucs et des machins jolis. « This is not a photo opportunity » a écrit Banksy en face de la Tour Eiffel ou du Big Ben. Il avait raison. La vraie photographie commence là où il y a un travail à faire sur notre regard, là où l’on peut surprendre le spectateur. Regarde, des bris de verre. Regarde-les bien, regarde-les mieux.
La photographie, de format rectangulaire, suppose un choix dans le cadrage: vertical ou horizontal? Cédric Dubus a le chic de rendre ce choix significatif. De nombreuses photographies subliment absolument le format vertical en utilisant la perspective: l’image devient porte ouverte sur le paysage. Quant au format horizontal, il se prête tout particulièrement au portrait d’objets. Sa série « Packshot » sublime les objets qu’elle prend pour sujet en les faisant flotter sur un fond blanc. La plus spectaculaire est sans doute celle du cendrier transparent où est écrasée une cigarette, dans un petit tas de cendres. Agissant comme une photo d’identité mais avec une grâce absolue, la lumière passe à travers le cendrier comme à travers un vitrail, et la clope devient tout d’un coup divine. Les courbes provoquées par l’écrasement sont comme les plis d’un drapé antique, et elle devient Vénus au milieu des eaux. Enfin presque… Il suffit de l’imaginer en tout cas. Car Cédric Dubus suggère d’infinies possibilités, à nous de contempler ses images, et pour les plus imaginatifs, de continuer leur histoire.
© Cédric Dubus, Objet de la série Packshot
© Cédric Dubus, Objet de la série Packshot
© Cédric Dubus, Objet de la série Packshot
© Cédric Dubus, Objet de la série Packshot
© Cédric Dubus, Objet de la série Packshot
© Cédric Dubus, Sans titre de la série Where Did The Night Fall
© Cédric Dubus, Sans titre de la série Where Did The Night Fall
© Cédric Dubus, Sans titre de la série Where Did The Night Fall
© Cédric Dubus, Sans titre de la série Where Did The Night Fall
© Cédric Dubus, Sans titre de la série Where Did The Night Fall
© Cédric Dubus, Sans titre de la série Where Did The Night Fall
Cédric Dubus fait partie du collectif de photographes Cascade Collective, dont Boum! Bang! a déjà parlé avec Jonathan Deltour.