Critiquer les maux de notre société par l’art peut se faire sans choquer, sans confrontations ou protestations, par des installations épurées et colorées à l’image des sculptures de Bertrand Jayr.
Bertrand Jayr, diplômé de l’Ecole d’Art Appliqué de la ville de Lyon en 2004, vit et travaille à Lyon. Cet explorateur esthétise les travers de la société française avec simplicité et efficacité. Ses œuvres proposent une véritable mise en scène du quotidien: le globe, formé d’amas de nourriture aux couleurs de l’arc-en-ciel, se retrouve perdu dans nos assiettes. La matière grise, tôles en acier, lisses et symétriques, devient palpable. L’esperluette, sculpture à la blanche vertu, est représentative de la banalisation du suicide au travail. Les panneaux de signalisation dénotent du mépris grandissant de l’environnement et la poubelle-iceberg, de la volonté de l’homme de dissimuler les déchets sous terre pour mieux les oublier.
Idéaliste et contestataire, Bertrand Jayr s’attache à critiquer les maux que notre société aime à étouffer. Dérèglement social, sculpture d’une tente faite de carton posée dans la neige au pied d’une église, remet en question l’égalité des hommes face à la société, à la bonté humaine, à la bonté divine et à la grâce: « Sainte Marie, mère de Dieu, priez pour ceux qui sont dehors et qui ont froid ».
L’artiste cherche à créer des œuvres au design innovant, porteuses de sens, tout en conciliant la créativité et l’usage, la sculpture et sa technicité. Sa volonté est de « transporter graphiquement, spatialement, une idée » dans un environnement qui lui donnera sens et portée morale. Les images, la matière et l’environnement de l’œuvre ne sont pas utilisés pour émouvoir ou déranger mais pour insuffler évidence et permettre au dispositif de s’effacer au profit de l’idée. L’artiste sème des bouts de pain sur le chemin de la critique que le spectateur doit interpréter par sa réflexion personnelle. Son art devient l’expression des dérives sociales à l’image du modernisme grandissant, comme le Pop art et le Nouveau réalisme, qui évoque, critique, voire poétise la société contemporaine.
Pour Bertrand Jayr, un artiste n’est pas un bricoleur et l’idée semble prévaloir sur la création, reflétant ainsi les propos de Marcel Duchamp, justifiant le choix artistique de sa Fontaine: « Que Richard Mutt ait fabriqué cette fontaine avec ses propres mains, cela n’a aucune importance, il l’a choisie. Il a pris un article ordinaire de la vie, il l’a placé de manière à ce que sa signification d’usage disparaisse sous le nouveau titre et le nouveau point de vue, il a créé une nouvelle pensée pour cet objet ». Bertrand Jayr expose, à l’image de l’auteur du « ready-made », un objet qui n’a aucune des qualités intrinsèques propre à une œuvre d’art, que l’on suppose faite d’harmonie et d’élégance. Mais ses objets, même s’il n’en présente que les signes extérieurs, deviennent œuvres à part entière par la porté morale, philosophique et sociale qu’il détiennent de maniere à ce que personne ne puisse être insensible à la vision platonicienne de l’artiste sur le monde.
Fond d’écran – Le Film
Internet et les nouvelles technologies ont colonisé nos vies, bouleversant ainsi notre rapport au monde, aux autres et à nous même. Reconnectons-nous au monde réel, cultivons le vivant.
© 2013 Bertrand Jayr