D’où vient l’intérêt d’Andy Freeberg pour les gardiennes de musées et les salariés des galeries d’art, nous ne le savons pas. Mais, il est vrai que ce photographe né à New York City et vivant actuellement près de San Francisco paraît captivé par ces personnes qui, de par leur fonction atypique dans des lieux atypiques, semblent fusionner avec leur environnement et même parfois se volatiliser.
Avant de voir certains de ses clichés entrer dans de prestigieuses collections et faire le tour du web, Andy Freeberg a commencé sa carrière en tant que photojournaliste spécialisé dans le portrait et plus particulièrement le portrait environnemental. Il alterne depuis ses débuts commandes commerciales pour des revues et journaux comme Fortune, Der Spiegel, Rolling Stone ou the Village Voice avec des projets plus personnels.
Parmi les plus récents, « Guardians of Russian Art Museums », une série de plusieurs dizaines de prises de vue montrant les gardiennes de salles de grands musées russes comme l’Hermitage. Mises en scène par l’artiste, ces femmes semblent comme happées par le décor chargé des salles qu’elles surveillent et écrasées par les œuvres qui les entourent. Parfois, on a même du mal à les distinguer tant elles semblent avoir joué les caméléons et s’être laissées absorber par leur environnement. Un phénomène optique et esthétique que le photographe a certainement accentué en demandant à ses modèles d’opter pour des poses strictes et des regards inexpressifs, ou, au contraire, plus vivants que nature et très proches de certaines œuvres environnantes. Frôlant parfois la mélancolie et une impression de grande solitude, le photographe ne souhaite pourtant pas tomber dans le misérabilisme en insistant trop lourdement sur le caractère ingrat de cette tâche. Il explique d’ailleurs que c’est plutôt la passion et le patriotisme de ces femmes qu’il a voulu mettre en avant. Certaines d’entre elles lui ont ainsi confié adorer revenir dans ces salles lors de leurs journées de repos, ou être prêtes à faire trois heures de trajet quotidien pour avoir la chance d’être entourées par ces chefs-d’œuvre. C’est donc plus souvent avec fierté qu’avec honte qu’elles « trônent » discrètement entre les peintures et les sculptures, contentes de ne pas avoir la vie des autres femmes âgées de leur pays et de pouvoir jouer à leur tour aux spectatrices en observant les visiteurs déambulant de salle en salle.
Autre projet, et semble-il, même ligne directrice, « Sentry: Gallery Desks in Chelsea », une série se concentrant sur les comptoirs d’accueil des galeries du célèbre quartier arty de Manhattan. Celle-ci a débuté par un premier cliché réalisé par Andy Freeberg alors qu’il se trouve dans une galerie dans laquelle un homme derrière son comptoir semble tant absorbé par son ordinateur et son travail qu’il ne se rend même pas compte de la présence du photographe et de ce qu’il est en train de faire. Pour Andy Freeberg, c’est le début d’un nouveau projet qui se bâtit galerie après galerie, donnant naissance à une série de photographies quasi identiques. Seule présence humaine, ces sommets de crânes perdus dans un environnement clinique sont une autre manière pour l’artiste d’aborder le thème de la dissimulation et nous entraînent dans une réflexion sur la disparition des liens humains au profit d’une sur-connexion virtuelle.
Dernier projet, dernière série, mais encore une fois, même sujet: « Art Fare », une galerie de portraits de galeristes en plein travail lors de grandes foires d’art contemporain. C’est également un peu par hasard que l’auteur la débute, trouvant que ces stands immaculés constitueraient de parfaites petites scènes sur lesquelles se jouent des pièces intéressantes à immortaliser: préparation, attente, discussion avec un client, négociation… Leurs acteurs aussi présentent un grand intérêt pour l’auteur. Travaillant sur le thème de la dissimulation et du camouflage, il montre en pleine lumière ces hommes et ces femmes de l’ombre habitués aux bureaux clos et forcés pour l’occasion à se montrer à découvert. Une série complétant la précédente, en révélant qui se cache finalement derrière les comptoirs des galeries et permettant au photographe de jouer à nouveau avec les superpositions de motifs, de couleurs et de sujets.
Une très belle sélection de photos d’Andy Freeberg est disponible sur son site personnel permettant également de découvrir des clichés ne faisant pas partie des trois séries présentées dans cet article. Andy Freeberg est représenté par la Clark Gallery à Boston et par la Kopeikin Gallery à Los Angeles.