Un entretien Boum! Bang!
Quel meilleur vecteur que l’art pour dénoncer les impostures qui font l’assaut de notre quotidien dès lors qu’on allume la télé ou parcourt la presse? En cette période pré-électorale particulièrement fantoche et nauséabonde, l’artiste Adam Yuul a choisi de mettre en lumière la médiocrité des acteurs de la scène médiatico-politique qui n’ont de cesse de se moquer de nous sur fond d’espèces sonnantes et trébuchantes. Ainsi, à la manière de l’Internationale Situationniste emmenée par Guy Debord dès les années 60, mais dénué de la prétention d’un « dépassement de toutes les formes artistiques », l’artiste illustre ici un engagement politique œuvrant à l’éveil des consciences. Il s’agit bien, encore et toujours, de changer le monde! Non sans une certaine délectation dans la férocité, Adam Yuul dénonce les turpitudes d’une société du spectacle qui s’agite et ne survit que grâce aux inégalités profondes qu’elle engendre. Cette conscience révolutionnaire anime notre artiste à la verve et à la touche haute en couleur à l’instar d’un André Derain clamant dans sa période fauve qu’il utilisait la couleur « comme des cartouches de dynamite », Adam Yuul produit des dessins qui ont pour cible les magnats de la presse et leurs homologues politiques; ils sont comme les balles d’un chamboule-tout capables de mettre à terre l’empilement des« boîtes de conserve » au contenu faisandé de la politique-spectacle. Pourtant, par delà le message mis en partage sur les réseaux sociaux, la puissance picturale qui se dégage de ces feuilles nous retient et nous délecte – Interview.
B!B!: Considérez-vous votre travail d’imagier comme un objet esthétique en soi ou bien ne s’agit-il pour vous que d’une dénonciation caricaturale de la politique, tels que les dessins de la presse satyrique en fournissent en permanence?
Adam Yuul: J’aimerais bien qu’il s’agisse de caricatures, mais les journalistes et les hommes politiques que je dessine sont tellement obscènes au quotidien qu’il est presqu’impossible de les rattraper sur ce champ. Le faux semblant, la caricature, c’est leur domaine. Mais que ce soit un objet esthétique, je ne l’espère pas non plus, si c’est pour finir dans des galeries à la mode comme celles qui montrent du street art sur châssis…ça ferait vraiment chier! Non j’espère que mes dessins sont bien moches, aussi moches que les peaux de vaches qu’on voit à la télé.
B!B!: Ces feuilles finalement, mettent surtout en scène les figures pathétiques de la course à l’Elysée. Si elles dénoncent la corruption et le mensonge, elles ne sont ni la remise en cause radicale de la société marchande, ni même un appel insurrectionnel contre un modèle sociétal dont nous pressentons pourtant qu’il vous révolte. Pensez-vous, à l’aide des moyens plastiques du dessin et de la couleur, pouvoir dépasser ces limites?
Adam Yuul: Il y a des personnes qui font un vrai boulot de dénonciation, des groupes comme Médiapart ou Cash investigation, de vrais reporters qui prennent des risques. Mais moi je suis dans l’énervement et dans le défoulement. Ce n’est même pas une dénonciation. J’accuse personne, je veux simplement les insulter. Bien sûr je rebondis sur les accusations qu’on leur fait, mais c’est simplement pour contextualiser mes insultes. Ça naît d’un besoin de catharsis, parce que tout cela vient d’un agacement, d’une indignation, d’un dégoût profond envers la caste politico-médiatique.
Quand je dessine c’est parce que je ne sais plus quoi faire de ma rage envers tous ces pouvoirs. Et je n’ai pas trouvé d’autres moyens que de faire des dessins vulgaires qui sentent mauvais la bassesse. Je veux vraiment me mettre à leur niveau d’obscénité et leur envoyer des boulets de merde grâce aux réseaux de pisse du web centralisé. Même si je sais que tout cela est vain… Mais pour répondre à votre question, non, je ne m’occupe pas seulement des médias et des hommes politiques, je travaille actuellement sur des dessins similaires qui parlent de la société marchande, d’internet. J’ai fait récemment Sundar Pichai, le CEO de Google, en pute mégalithique. Mark Zuckerberg la montagne de sucre, les fabricants de smartphones comme Samsung ou Apple. Ils vont tous y passer. Donc oui, avec mes petits moyens, j’ai bien l’intention de canarder le système global de domination que détiennent les Rats-taupes et leurs alliés!
B!B!: Au travers de vos dessins, vous exprimez un puissant dégoût notamment envers les médias et leurs protagonistes; où situez-vous leur degré de responsabilité dans la crise politique qui se joue aujourd’hui?
Adam Yuul: Ils ne sont pas seulement responsables, ils sont les protagonistes d’un jeu déloyal qu’ils jouent contre le peuple. Ils défendent donc leurs intérêts et ceux de leurs amis les propriétaires. Donc c’est la collusion totale, comme cela se fait depuis très longtemps. Mais les mecs de la télé, c’est à peine s’ils le cachent: ils y sont tellement habitués qu’ils ne se rendent même plus compte de la couleur de la merde qu’ils veulent nous faire manger! Au début je croyais qu’ils étaient cyniques pour la plupart, mais non, ils sont juste un amas de francs connards et de franches connasses. C’est écœurant.
En fait la collusion entre les médias et les gros industriels (qui sont aussi les propriétaires des journaux et ceux qui vont le lendemain à l’assemblée) est telle que leur arrogance est devenue sans borne. Ils n’ont plus peur de rien. Regardez, lorsqu’il y a eu le vote pour l’Europe en 2005, tous les médias ont fait la même propagande. Pourquoi? Mais parce que c’était dans l’intérêt de leurs propriétaires. Et bien, même si les français ont voté Non, les politiques qui ont suivi ont simplement reformulé les lois constitutionnelles européennes et ont signé le même traité. Un flagrant déni de démocratie. Une collusion totale, et on a toutes les preuves de leur complicité. On pourrait leur faire un procès. Mais regardez, tout le monde se porte très bien. C’est toujours les mêmes que l’on voit partout nous asphyxier avec leurs odeurs corporelles de moyenâgeux.
Donc oui, les médias sont ultra responsables et jamais sur le banc des accusés. Je ne peux que vous inviter à voir ou revoir l’excellente séquence de Pierre Carles, lorsque son équipe remet à Pujad’ass le prix de la « laisse d’or », prix du comportement le plus valétudinaire à l’égard du pouvoir, c’est hilarant. Donc ces personnes ont le privilège de pouvoir façonner l’opinion et comme ils savent bien que la grande masse qui regarde n’a pas le temps de traîner son nez ailleurs ou alors détient comme eux des records en matière de bassesse ou de stupidité, et bien il arrive ce qui arrive. D’ailleurs, l’autre jour, Jean-Jacques Bourdin, pour se dédouaner de ce qui se disait aux infos où l’on ne parlait pas des sujets importants, répondait à un auditeur : « ce n’est pas moi qui FAIS l’actualité ». Alors c’est qui, grosse fiotte?
Tout ce qu’ils font consiste désormais à faire monter Le Penis dans le but de voir passer Macaron. On aura au deuxième tour deux gâteaux truffés de merde molle et en plus il faudrait qu’on continue à boire leur pisse tiède.
B!B!: Emmanuel Macron semble particulièrement vous inspirer et nous ignorions d’ailleurs qu’il avait un tel potentiel comique! Vous contribuez à faire tomber le masque de ce séducteur pour en révéler le véritable ancrage néo-libéral.
Adam Yuul: J’espère que de plus en plus de personnes comprennent le jeu effroyablement malin de ce vil séducteur et surtout que les personnes intéressées, les salariés, les fonctionnaires et les étudiants se rendent compte de ce qu’il nous réserve. C’est de l’obscénité puissance 3 millions (comme cet argent qui aurait disparu de sa déclaration). Emmanuel Macron, sur l’échelle du film romantique, c’est Rocco Siffredi. Putain, réveillons-nous, la double anale est à un bulletin de vote de chacun!
Dommage que Jean-Luc Mélenchon soit si démocrate. Ce qu’il faudrait, c’est un coup d’état. À la prochaine élection je ne me présente pas, je fais un putsch et tous les caviars, je les envoie au Goulag chez Vladimir Poutine, ils vont voir ce que c’est que d’être de gauche en Russie.
B!B!: Si la devise parisienne « Fluctuat nec mergitur » dont il y a quelques mois encore nous tapissions les murs semble ne pas avoir résisté à la crue – prophétique? – de la Seine…, quelle hypothétique devise souhaiteriez-vous exprimer au travers votre travail
Adam Yuul: « Ut pictura le combat »: du dessin naît le combat. Franchement, je ne vais pas passer tout mon temps à faire des dessins malveillants. Ce serait un peu comme faire la vaisselle des autres toute sa vie.
B!B!: S’insurgeant contre l’aliénation du travail participant à séparer l’être humain de lui-même, les situationnistes en mai 68 affirmaient vouloir « jouir sans entraves » et multipliaient sur les murs de nos villes le slogan: « Ne travaillez jamais! » Pensez-vous que ce soit toujours d’actualité?
Adam Yuul: Ce temps arrive en réalité. Et c’est le grand dilemme auquel se prépare toute la société marchande.
Les machines vont toutes remplacer les hommes. Pour le pire comme pour le meilleur. Il n’y aura plus de travail à la chaîne bien sûr (comme la force humaine sera trop coûteuse) mais même pour enseigner, pour soigner, on peut imaginer dès aujourd’hui des machines qui auront des taux de réussite meilleures que ceux des hommes. Un chirurgien robot pourrait presque ne jamais rater une intervention. Donc, s’il n’y a plus de travail, comment les gens vont-ils continuer à consommer? On ne peut pas imaginer une société de chômeurs, mais c’est ce que nous serons par la force des choses. Alors ils seront obligés d’en venir au salaire universel, sans quoi la consommation et donc la croissance chuteront fatalement.
Mais je me demande à quoi ressemblera une société de branleurs attardés avec assez d’argent pour consommer plein de merdes? Ah si, en fait, ce sera comme les Etats Unis.