Une inflexion invisible, un tremblement silencieux, troublent la quiétude du temps et annoncent le basculement imminent: fixées par le dessin dans un sommeil éternel, les beautés endormies vont entrouvrir les yeux. Malgré leur patience de modèles parfaits, Séverine Coquelin n’a pas eu le temps de finir leur portrait, car telle n’était pas son intention. Avec « Sommeil », nous ne contemplons plus un dessin mais une photo, prise à l’instant qui précède le réveil de si peu que celui-ci a déjà commencé. Les paupières ne sont plus fermées: les yeux sont mi-clos. Une impatience habite les corps défaits. Du sommeil troublé des trois grâces se dégage la langueur des rêveries nocturnes, quand le corps est tiré du sommeil profond par la force d’un désir charnel confus et fiévreux.

Séverine Coquelin, Sommeil Séverine Coquelin, Sommeil ©

Sous nos yeux la matière vacille, hésite. Le dessin vaporeux de « Sommeil » joue avec celle-ci, puis pose la question: existe-elle encore? Séverine Coquelin se concentre sur la limite incertaine entre existence et disparition. Malgré les bancs vides, les rues silencieuses de la série « Au détour », les salons déserts où les meubles ont survécu à leurs possesseurs dans « Ce qu’il reste », rien n’est sûr, pas même la disparition. Du trouble et de l’hésitation naît l’érotisme de l’œuvre de Séverine Coquelin, trace ultime d’une tension qui, une fois décelée, ne saurait être ignorée. En cette hésitation réside la vitalité irréductible: le doute porte avec lui la vie car la mort ne saurait tolérer l’incertitude.

Severine Coquelin, ChapelleSéverine Coquelin, Chapelle, Série Au détour ©
Severine Coquelin, CorridorSéverine Coquelin, Corridor, Série Au détour ©
Severine Coquelin, EscalierSéverine Coquelin, Escalier, Série Au détour ©
Severine Coquelin, EspagneSéverine Coquelin, Espagne, Série Au détour ©
Severine Coquelin, PoubelleSéverine Coquelin, Poubelle, Série Au détour ©
Severine Coquelin, RadioSéverine Coquelin, Radio,  Série Au détour ©
Severine Coquelin, ToiletteSéverine Coquelin, Toilette, Série Au détour ©
Severine Coquelin, TrainSéverine Coquelin, Train, Série Au détour ©
Séverine Coquelin, Ce qu'il reste Séverine Coquelin, Ce qu’il reste ©

Il nous faut cependant voyager avec l’artiste à la frontière des limbes, parcourir l’espace incertain entre la vie et la mort pour que l’hésitation se mue in extremis en cette force qui nous rattrape et nous propulse, à nouveau, à l’instant d’avant: celui de l’existence qui précède la disparition. Dans « Petite mort », Séverine Coquelin met en scène l’aller-retour d’un homme qui, sur le point de jouir, revoit le visage des femmes qu’il avait contemplées au bord de l’orgasme. Leurs portraits lui reviennent comme autant d’images mentales avant que son corps lui-même ne vacille, se cabre et se brise. Les corps, chez Séverine Coquelin, sont sans cesse menacés de disparition. Nous l’imaginons ajouter: « mais ils n’ont pas encore disparu ». En ces deux mots, « pas encore », réside la trace tangible de leur existence: ils sont vivants jusqu’à preuve du contraire. Séverine Coquelin organise leur effacement, elle raye, floute, retrace: mais ces corps effacés portent la marque de l’artiste au travail.

Séverine Coquelin, Disparition Séverine Coquelin, Disparition ©
Séverine Coquelin, Écume Séverine Coquelin, Écume ©
Séverine Coquelin, Dessin Séverine Coquelin, Dessin ©Séverine Coquelin, Dessin Séverine Coquelin, Dessin ©Séverine Coquelin, Dessin Séverine Coquelin, Dessin ©Séverine Coquelin, Dessin Séverine Coquelin, Dessin ©Séverine Coquelin, Dessin Séverine Coquelin, Dessin ©