L’artiste Tauba Auerbach serait-elle née magicienne? Oui, peut-être. Et ce n’est pas qu’à cause de son regard plein de mystère que nous pourrions penser ça. En effet, cette jeune américaine a déjà plus d’un tour de prestidigitation à son actif: transformer un « oui » en « non », rendre l’invisible visible, faire danser des toiles… Mais tous ces numéros, Tauba Auerbach les trouve dans les livres de sciences, pas dans un chapeau. Alors, ne soyez pas déçus si dans cet article aucun lapin blanc ne pointe le bout de son museau.

Tauba Auerbach par Raymond Meier Tauba Auerbach photographiée par Raymond Meier pour Vogue, janvier 2009 © Vogue – Raymond Meier

Dans le monde de Tauba Auerbach, il est souvent question d’apparences trompeuses. Ses toiles semblent ainsi pensées et exécutées pour devenir de véritables pièges pour vos yeux. « Shadow Weave », l’une de ses séries les plus récentes, est ainsi constituée de toiles qui, à première vue, pourraient êtres recouvertes d’un quadrillage brillant finement réalisé avec de la peinture. Entièrement blanches ou mariant deux teintes différentes, elles donnent immédiatement envie de s’en approcher. Que découvrez-vous? Qu’il ne s’agit pas de peinture mais de tissages dont les entrelacs créent cet aspect plastique et luisant. L’impact de la lumière sur ces créations et leur potentiel cinétique ont certainement été tout aussi finement étudiés car au-delà de cette première supercherie optique, certaines toiles semblent s’animer, se creuser ou au contraire faire apparaître à leur surface des reliefs. Vibrantes, traversées par des ondulations, elles donnent même parfois l’impression d’avoir face à soi un écran diffusant une vidéo.

Tauba AuerbachTauba Auerbach, Shadow Weave – Comb/Void I, 2013, Woven canvas on wooder stretcher, 152,4 x 114,3 cm © Tauba Auerbach
Tauba AuerbachTauba Auerbach, Shadow Weave – Comb/Void I, 2013, Woven canvas on wooder stretcher, 152,4 x 114,3 cm © Tauba Auerbach
Tauba AuerbachTauba Auerbach, Shadow Weave – Comb/Wave I, 2013, Woven canvas on wooder stretcher, 182,9 x 137,2 cm © Tauba Auerbach
Tauba AuerbachTauba Auerbach, Bend I, 2012, Woven canvas on wooden stretcher, 152,4  x 114,3 cm © Tauba Auerbach
Tauba AuerbachTauba Auerbach, Shadow Weave (Interlock, image), 2011, Woven canvas on wooder stretcher, 152,4 x 114,3 cm © Tauba Auerbach
Tauba AuerbachTauba Auerbach, Shadow Weave – Façade Split Wave II, 2013, Woven canvas on wooder stretcher, 152,4 x 114,3 cm © Tauba Auerbach
Tauba AuerbachTauba Auerbach, Vue de l’exposition “Tetrachromat” – WIELS, Bruxelles, 2013. Courtesy of the artist, Paula Cooper Gallery, New York and STANDARD (OSLO), Oslo. Photographes : Vegard Kleven, Davina Semo et Filip Vanzieleghem © Tauba Auerbach
Tauba AuerbachTauba Auerbach, Vue de l’exposition “Tetrachromat” – Bergen Kunshall, Bergen, 2011. Images courtesy of Bergen Kunshall. Photographe : Vegard Kleven © Tauba Auerbach

Continuons avec « Folds », ensemble réalisé entre 2010 et 2012. De loin, vous aurez l’impression en croisant les toiles de cette série de voir accrochées à leurs châssis des feuilles de papier froissées aux couleurs délavées. Quelques pas en direction de l’une d’entre elles et vous verrez qu’il n’est nullement question de plis car la toile se révèle être complètement plate et tendue. Tout n’est donc que peinture cherchant et réussissant à imiter le froissé et faisant voyager notre œil de la 3D à la 2D. Pas de narration non plus. Tauba Auerbach se concentre sur la toile pour ce qu’elle est: une surface plane à peindre. Il est donc plutôt question ici d’une expérience sensorielle mais également pour l’artiste d’une sorte de quête visant à parfaitement reproduire un tissu, ses plis et ses effets sur la lumière.

Tauba Auerbach serait-elle une sorte d’Ingres du 21ème siècle? Serait-elle la petite fille spirituelle d’un Lucio Fontana dont les lacérations dans la toile donnent tout d’abord l’impression d’être réalisées à la peinture. Curieux? Vous vous demandez d’ailleurs peut-être comment Tauba Auerbach procède? Ses trompe-l’œil sont réalisés par vaporisation de peinture sur la toile pliée depuis des angles différents. Dépliée, puis tendue sur un châssis, elle se pare de multiples nuances et de dégradés créant tout un éventail d’effets colorés et lumineux. Des œuvres dont on pourrait attribuer la complexité au pur hasard et qui pourtant semblent être le fruit d’un procédé où tout est question de contrôle et de calculs.

Un principe que l’on retrouve dans les « Atlas » de Tauba Auerbach, des livres cubiques qui paraissent avoir été façonnés pour nous présenter de façon encyclopédique toutes les couleurs… et pas seulement celles de l’arc-en-ciel, celles de l’univers. Une sorte de bible balayant tout le spectre chromatique et allant bien au-delà de ce que nos yeux sont capables de distinguer. Une sculpture également, plus qu’un simple livre, où la couleur pure est utilisée comme une matière première et dont la richesse est exploitée à son maximum.

Tauba AuerbachTauba Auerbach, Untitled (Fold), 2012, Acrylic on canvas / Wooden Stretcher, 182,9 x 137,2 cm © Tauba Auerbach
Tauba AuerbachTauba Auerbach, Untitled (Fold), 2012, Acrylic on canvas / Wooden Stretcher, 152,4 x 114,3 cm © Tauba Auerbach
Tauba AuerbachTauba Auerbach, Untitled (Fold), 2010, Acrylic on canvas / Wooden Stretcher, 152,4 x 114,3 cm © Tauba Auerbach
Tauba AuerbachTauba Auerbach, Untitled (Fold), 2010, Acrylic on canvas / Wooden Stretcher, 182,9 x 137,2 cm © Tauba Auerbach
Tauba AuerbachTauba Auerbach, Vue de l’exposition “Tetrachromat” – WIELS, Bruxelles, 2013. Courtesy of the artist, Paula Cooper Gallery, New York and STANDARD (OSLO), Oslo. Photographes : Vegard Kleven, Davina Semo et Filip Vanzieleghem © Tauba Auerbach
Tauba AuerbachTauba Auerbach, Vue de l’exposition “Tetrachromat” – Bergen Kunshall, Bergen, 2011. Images courtesy of Bergen Kunshall. Photographe : Vegard Kleven © Tauba Auerbach
Tauba AuerbachTauba Auerbach, RGB Colorspace Atlas, 2011, Digital offset print on paper, case bound book, airbrushed cloth cover and page edges, 20,3 x 20,3 x 20,3 cm. Binding co-designed by Daniel E. Kelm and Tauba Auerbach. The books were bound by Daniel E. Kelm assisted by Leah Hughes at the Wide Awake Garage – Images courtesy of Bergen Kunsthall, Bergen. Photos by Vegard Kleven © Tauba Auerbach
Tauba AuerbachTauba Auerbach, RGB Colorspace Atlas, 2011, Digital offset print on paper, case bound book, airbrushed cloth cover and page edges, 20,3 x 20,3 x 20,3 cm. Binding co-designed by Daniel E. Kelm and Tauba Auerbach. The books were bound by Daniel E. Kelm assisted by Leah Hughes at the Wide Awake Garage – Images courtesy of Bergen Kunsthall, Bergen. Photos by Vegard Kleven © Tauba Auerbach
Tauba AuerbachTauba Auerbach, Vue de l’exposition “Tetrachromat” – WIELS, Bruxelles, 2013. Courtesy of the artist, Paula Cooper Gallery, New York and STANDARD (OSLO), Oslo. Auteurs de la série dont est issue cette photographie : Vegard Kleven, Davina Semo et Filip Vanzieleghem © Tauba Auerbach

Et si Tauba Auerbach aime jouer avec les couleurs, elle aime aussi jouer avec les lettres et les mots. Elle a ainsi créé plus tôt dans sa carrière des tableaux donnant vie à des acrobaties verbales à première vue purement gratuites et qui se révèlent pleines de sens et de poésie. Elles font la démonstration que tout doit être envisagé en changeant de point vue, que derrière le premier degré se cache le second et qu’il ne faut donc pas se fier qu’à ses premières impressions.

Tauba Auerbach est née en 1981 à San Francisco, elle vit et travaille à New York. Elle est actuellement représentée par la Galerie Paula Cooper (New-York) et la Galerie Standard (Oslo). Ses oeuvres, ses projets, ses actualités et ses collaborations sont disponibles sur son site. Elle est exposée jusqu’au 19 avril 2014 aux côtés d’autres artistes dans le cadre de l’exposition « PLIAGE/FOLD » à la Gagosian Gallery (4 rue de Ponthieu, 75008 Paris).

 Tauba AuerbachTauba Auerbach, I Doubt It/But I Do It, 2008, Gouache and pencil on paper, 50,8 x 40,6 cm © Tauba Auerbach
Tauba AuerbachTauba Auerbach, The Answer/Wasnt Here II, 2008, Acrylic on wood panel, 101,6 x 86,4 cm © Tauba Auerbach
Tauba AuerbachTauba Auerbach, Truth Is/It Hurts, 2007, Gouache and pencil on paper, 76,2 x 55,9 cm © Tauba Auerbach
Tauba AuerbachTauba Auerbach, Yes/No Morph I, 2007, Gouache on paper mounted to wood panel, 76,2 x 55,9 cm © Tauba Auerbach