Un entretien Boum! Bang!

Mettre un pied dans l’atelier de Saturno Buttò c’est pénétrer un univers enjôleur. Proche des brumes de l’adriatique, non loin de la Cité des Doges; tout est noir mais de-ci de-là scintillent des velours, des boules de verre soufflées de Murano, des morceaux de coraux rougeoyants aux côtés de crucifix et d’instruments de torture. La douceur de l’accent italien de Saturno Buttò enveloppe le lieu et ses œuvres bourdonnent de bruits, de parfums, de pays et d’époques lointaines…

Saturno Buttò, portrait
Saturno Buttò, portrait © Nicola Casamassima

B!B!: Quelle est votre technique, comment procédez-vous? 

Saturno Buttò: Ma technique est simple. Premièrement j’applique du gesso sur la toile; puis vient le dessin et une première couche de peinture à l’huile pour le fond, enfin j’applique les différentes couches de glacis.

B!B!: Comme beaucoup de personnes peuvent le penser, travaillez-vous d’après photos? 

Saturno Buttò: Oui, mais seulement pour l’inspiration. Je fais des collages de photos différentes qui me plaisent. Mais tout le dessin est exécuté à main levée. Ni calque, ni rétroprojection!

B!B!: Comment le prenez-vous si l’on qualifie votre oeuvre de kitsch? 

Saturno Buttò: Certaines de mes oeuvres peuvent avoir des notes à l’esthétique kitsch, je ne vois pas un échec à cela. Avec modération, on peut dire que le kitsch est un peu le baroque moderne.

B!B!: Pensez-vous que le kitsch soit une bonne chose, utilisez-vous sciemment cette esthétique? 

Saturno Buttò: Je ne pense pas que le kitsch soit une fin en soi, c’est un moyen, mais pas toujours intéressant même s’il est délibéré. Pour moi prévaloir de ce mauvais goût n’accuse pas d’une véritable réussite de l’oeuvre.

B!B!: Pensez-vous un jour changer votre palette de couleurs? 

Saturno Buttò: Pourquoi pas! Le changement est fondamental à la recherche artistique, mais seulement si l’artiste en ressent le besoin. Personnellement je ne peux pas vraiment me vanter d’avoir beaucoup changé dans ma carrière artistique.

B!B!: Vous travaillez souvent avec les mêmes modèles. Comment les rencontrez-vous? Qu’est ce qu’il faut pour être un de vos modèles?

Saturno Buttò: Je travaille souvent avec les mêmes modèles mais aussi avec des gens que je fréquente de temps à autres et qui ont déjà posé pour moi à plusieurs reprises dans le passé. Avec mon approche de portraitiste, dans de nombreux cas, j’exploite la connaissance de l’autre de sorte qu’il n’y ait pas de mauvaise surprise. J’aime le fait de connaître mes modèles. Néanmoins, maintenant il m’arrive d’être contacté directement par des gens qui se portent volontaires pour poser et qui sont enthousiastes à l’idée que je les représente dans ma peinture. Dans le cas où ça se passe bien il est naturel que je les rappelle. De mon côté je fais une sélection en fonction des projets d’œuvres que j’ai en cours.

Saturno Buttò, offertorium
© Saturno Buttò, offertorium, 125×93, 2010
Saturno Buttò, orchidea anatomopatologo
© Saturno Buttò, Orchidea anatomopatologo, 100×70 cm, 2010
Saturno Buttò, Christine
© Saturno Buttò, Christine, 70×70 cm, 2011
Saturno Buttò, Christine 2
© Saturno Buttò, Christine 2, 70×70 cm, 2011
Saturno Buttò, ctonia nutre i suoi figli
© Saturno Buttò, ctonia nutre i suoi figli, 100×150, 2011
Saturno Buttò, Laura
© Saturno Buttò, Laura, 70×70 cm, 2011
Saturno Buttò, stigma
© Saturno Buttò, Stigma, 187×120 cm, 2011
Saturno Buttò, your milk my blood
© Saturno Buttò, Your milk my blood, 80×80 cm, 2012

B!B!: Avez-vous la foi? 

Saturno Buttò: Pas vraiment!

B!B!: Que pensez-vous du dogme catholique? 

Saturno Buttò: Il me convient bien car disons que les restrictions permettent de libérer l’imagination.

B!B!: Avez-vous déjà eu des critiques de la part de l’Eglise ou de personnes croyantes? 

Saturno Buttò: Non, rien de grave. Mais au final ma peinture n’est pas aussi blasphématoire que ça!

B!B!: Que pensez-vous des opinions de l’Eglise au sujet de la sexualité? 

Saturno Buttò: Malheureusement (ou heureusement?) l’église a besoin de beaucoup de temps pour assimiler les changements, à les intégrer à sa propre temporalité. Cependant, il est tout à fait normal qu’il y ait une pensée conservatrice sous-jacente. Les religions ont été créées pour endiguer la nature dionysiaque de l’Homme, qu’inévitablement si elle n’était pas régie un minimum, déstabiliserait la société. Comme Camille Paglia* disait: « Eros est toujours une épine dans le flan de la religion ».

B!B!: Il y a beaucoup de références médicales et chirurgicales dans vos tableaux, comment l’appréhenderiez-vous s’il fallait que cette chirurgie s’applique à votre cas? 

Saturno Buttò: Mal! Mais l’esthétique et le mystère de ces objets chatoyants, leur aspect quasi ésotérique, me séduisent.

Saturno Buttò, blood is my favorite flavor
© Saturno Buttò, Blood is my favorite flavor, 50×40 cm, 2012
Saturno Buttò, cacciatrice di iconoclasti
© Saturno Buttò, Cacciatrice di iconoclasti, 70×70 cm, 2012
Saturno Buttò, maya's blood
© Saturno Buttò, Maya’s blood, 70×70 cm, 2012
Saturno Buttò, pietà
© Saturno Buttò, Pietà, 80×97 cm, 2012
Saturno Buttò, short story II
© Saturno Buttò, Short story II, 110×80 cm, 2012

B!B!: Dans quel pays vendez-vous le plus? 

Saturno Buttò: D’expérience je n’ai pas vu de différence notoire entre l’Italie, le reste de l’Europe et les Etats-Unis.

B!B!: Que pouvez-vous nous dire de votre iconographie? 

Saturno Buttò: Mon idéal esthétique reste l’art classique. Je cherche à rester fidèle à cette vision du monde en y ajoutant la pointe de modernité que je ressens à travers notre temps.

B!B!: Quel est l’artiste que vous aimez le plus dans l’histoire de l’art?

Saturno Buttò: Je ne peux pas dire que j’ai une réelle préférence. Il y a pour chaque époque une personnalité artistique qui se démarque. Mais si je ne devait en citer que quelques-uns: Van Eyck, Rembrandt et Le Caravage.

B!B!: Quels sont vos prochains projets?

Saturno Buttò: Une expo s’ouvrira à partir de mercredi à Milan, à la Art For Interior Gallery. Et des projets se profilent pour l’an prochain à Hong Kong.

B!B!: Quel est le message de votre pratique artistique?

Saturno Buttò: Je ne me suis jamais posée cette question. Je peins parce que c’est ma façon de me rapprocher des gens. Je suis timide et introverti par nature.

B!B!: Dans quel état d’esprit êtes vous lorsque vous peignez?

Saturno Buttò: J’écoute de la musique, classique, liturgique ou de death metal. Ca me met en état de transe et il me semble que la musique influence ma peinture, c’est assez évocateur, comme un guide, la musique s’associe à l’image.

B!B!: Comment qualifieriez-vous votre oeuvre?

Saturno Buttò: Je ne sais pas, ça ne m’intéresse pas. L’histoire et la critique le feront à ma place, peut-être, le moment venu.

Saturno Buttò, Ingrid spring
© Saturno Buttò, Ingrid spring, 2013
Saturno Buttò, Maya hot wax
© Saturno Buttò, Maya hot wax, 70×70 cm, 2013
Saturno Buttò, nun of dark order
© Saturno Buttò, Nun of dark order, 70×70 cm, 2013
Saturno Buttò, pure Julie
© Saturno Buttò, Pure Julie, 2013
Saturno Buttò, sacrifice
© Saturno Buttò, Sacrifice, 160×125 cm, 2013
Saturno Buttò, the unnatural
© Saturno Buttò, The unnatural…, 35×46 cm, 2013

B!B!: Si je vous dis Boum! Bang!, que me répondez vous? 

Saturno Buttò: Ne t’excite pas trop!

B!B!: Si vous pouviez inviter 10 personnalités mortes ou vivantes à un diner, qui seraient-elle? 

Saturno Buttò: Evidemment, 10 artistes du passé, pour la curiosité et les témoignages de leurs temps.

B!B!: Que seriez-vous si vous étiez: 

B!B!: Un mythe? 

Saturno Buttò: Dionysos.

B!B!: Une façon de mourir? 

Saturno Buttò: Dans une bataille héroïque.

B!B!: Une femme célèbre? 

Saturno Buttò: Aucune idée!

B!B!: Un livre? 

Saturno Buttò: « Sexual Personae » de Camille Paglia.

B!B!: Un dieu? 

Saturno Buttò: Chronos.

B!B!: Une addiction? 

Saturno Buttò: L’opium.

B!B!: Une période temporelle? 

Saturno Buttò: Le futur.

B!B!: Un rêve? 

Saturno Buttò: Être magicien.

B!B!: Une partie du corps? 

Saturno Buttò: Les yeux.

B!B!: Une œuvre d’art?

Saturno Buttò: Une sculpture de Michel-Ange.