Envisager le travail graphique de Rémy Baudequin, photographe français basé à Paris et adepte de la polyvalence artistique, c’est considérer à travers un prisme nouveau une démarche de réécriture visuelle déjà largement envisagée par d’autres. Il ne s’agit pas ici, en effet, de réitérer et de radoter une énième fois les performances de ces graphistes cinéphiles adeptes de minimalisme clinquant et archétypal, reproduisant à la chaîne des codes et des manières déjà largement explorées par le reste de la toile avant eux. Si l’on retrouve automatiquement chez Rémy Baudequin certaines de ces conventions, insurmontables et obligatoires, son œuvre parvient à s’en détacher largement, et à donner au badaud vagabond 2.0 la vision digne d’un intérêt véritable.

L’ambition de Rémy Baudequin est plus large, plus personnelle, plus singulière. Plus novatrice, aussi. Il y a chez le créateur la volonté d’aller au-delà de ces réflexes, un désir d’aller interroger la face obscure de certaines réalisations et de recentrer le propos et le curseur sur ce qui fait l’essence véritable du film. L’objectif viscéral n’est plus de focaliser la représentation imagée sur un élément exclusif et simpliste résumant d’un seul coup d’œil le timbre global de la production cinématographique, mais d’en interroger une vision nouvelle et originale.

Rémy Baudequin, terry gilliam© Rémy Baudequin
Rémy Baudequin© Rémy Baudequin
Rémy Baudequin bande à part© Rémy Baudequin
Rémy Baudequin, les sept samourais© Rémy Baudequin
Rémy Baudequin, the thing© Rémy Baudequin
Rémy Baudequin, twin peaks© Rémy Baudequin
Rémy Baudequin, Sam rockwell, moon© Rémy Baudequin
Rémy Baudequin, a nightmare on elm street© Rémy Baudequin
Rémy Baudequin, rear window, alfred hitchcock's© Rémy Baudequin

Quid de la postérité de la monstruosité fantastique et préhistorique des animaux sanguinaires de la saga « Jurassic Park » sans la découverte de ce moustique plein d’un sang rougeoyant ayant appartenu aux dinosaures, que Rémy Baudequin met en avant à travers sa refonte de l’affiche? Plus que l’œil fouineur d’un tyrannosaure ou les griffes acérées d’un velociraptor, c’est bien ce moustique fossilisé qui est le véritable responsable de la catastrophe provoquée par Jurassic Park. Propos similaire pour l’affiche retravaillé du « Funny Games » de Michael Haneke, qui valorise les deux œufs jumeaux responsables de l’intrusion des deux jeunes hommes charmants et bien élevés dans la vie propre et rangée d’une famille convenablement aisée, individus qui se transformeront progressivement en psychopathes sadiques et tortureurs. Par filiation, ce sont bien évidemment les deux personnages que représentent les œufs de la relecture graphique.

Rémy Baudequin, jurassic park© Rémy Baudequin
Rémy Baudequin, funny games© Rémy Baudequin

Dans sa version du chaotique « Melancholia » de Lars Von Trier, ce sont la Terre et la planète meurtrière Melancholia, prête à entrechoquer notre univers dans sa trajectoire dévastatrice qui sont mises en avant, évocation métaphorique double, là encore, puisque l’on peut y voir par analogie la représentation des caractères diamétralement contraires des deux sœurs incarnées par Charlotte Gainsbourg et par Kirsten Dunt, héroïnes quasi exclusives de l’histoire.

Rémy Baudequin© Rémy Baudequin

L’omniprésence de la rougeur sanguine et prophétique du pesant « We Need to Talk About Kevin », le héros de « Shame » confronté à la honte de son addiction sexuelle et à un monde extérieur brouillé par un store saccadé et symbolique, une ribambelle de canines acérées pour marquer la férocité originelle camouflée derrière les conventions factices de la grande société, interrogées par Roman Polanski dans son « Carnage »… tout est chez Rémy Baudequin question de symbolisme niché, d’acuité visuelle savamment étudiée, de singularisme détaché des normes graphiques viscéralement liées à la communication cinématographique. Il est aussi chez l’artiste question d’humour, en témoigne l’affiche factice de la fronde anarchiste de « V fot Vendetta », où Rémy Baudequin choisit l’utilisation d’un coupon d’adhésion où il est possible de découper le fameux masque du vengeur V afin de rejoindre les rangs de la révolution libertaire…

La vie dépend de la manière dont on la perçoit. Il paraît en être de même pour le cinéma, et pour le graphisme minimaliste et érudit de Rémy Baudequin.

Rémy Baudequin© Rémy Baudequin
Rémy Baudequin, shame© Rémy Baudequin
Rémy Baudequin, carnage© Rémy Baudequin
Rémy Baudequin, v for vendetta© Rémy Baudequin