C’est dans les années 1980, à Brest, que Paul Bloas, alors étudiant aux Beaux-Arts, commence à investir ses géants de papiers sur les murs de la ville portuaire. Dans la cité de Recouvrance, sur le port de commerce, les silhouettes colossales (2×3,80m), vulnérables et fugitives, se hissent sur les murs délaissés de la ville. « Des peintures fragiles in situ », selon les mots de l’artiste, commencent alors à épouser les murs abandonnés du monde: à Brest où il habite et travaille depuis 20 ans mais aussi à Berlin, Paris, Budapest, Beyrouth et d’autres capitales ou encore Madagascar, terre de son enfance.

Paul Bloas réalise ses peintures en atelier pour ensuite les coller, muni de son bras télescopique, dans les décors repérés au préalable. Les silhouettes se font d’abord esquisse, un trait brut, noir, d’où émerge la forme et le mouvement, puis la couleur vient donner le contraste, rouge sang, ocre, bleu ou jaune pour habiter le corps sur la feuille.

Les titans papiers-couleurs ne semblent jamais intrus dans les lieux qu’ils habitent, au contraire, ils se fondent et s’offrent, du haut de leurs gigantesques corps, aux regards des passants. Coiffés de leurs minuscules têtes, ils se tiennent debout sur les murs en ruines.

Paul Bloas© Paul Bloas
Paul Bloas© Paul Bloas
Paul Bloas© Paul Bloas
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Le choix des décors est au centre de l’oeuvre de Paul Bloas: la prison désaffectée de Pontaniou à Brest où il s’enferme volontairement pendant 2 mois en 1991 pour s’en imprégner et nous livrer des songes carcéraux, les bains turcs de Budapest, la base sous-marine de Bordeaux ou encore les ruines d’un ancien camp de la Légion française de la baie de Diégo Suarez, à la pointe nord de l’île de Madagascar. Dans ces lieux désaffectés ou délabrés, les personnages massifs de Paul Bloas sont les ombres chagrines de ce qui a été, des fantômes désespérés, imperturbables ou penseurs, des gardiens fugaces du passé. C’est le temps, les intempéries ou les ongles des hommes qui tannent les colosses jusqu’à les faire s’évanouir, mais pour sûr sans jamais les faire disparaitre totalement des murs où ils se se reposés.

En juin dernier, Paul Bloas, accompagné à la guitare électrique par Serge Tissot-Gay, ex-membre de Noir Désir, nous a livré une performance live dans la cage aux lions de Saint-Malo lors du Festival des Etonnants Voyageurs. Les deux titans nés de cette expérience ont ensuite voyagé jusqu’aux portes de Lisbonne, dernière ville choisie par Paul Bloas pour exposer ses oeuvres et marquer son soutien au Portugal, l’un des pays d’Europe les plus touchés par la crise.

Car si l’art de Paul Bloas est un art urbain, il est aussi un art engagé, qui appartient aux gens, à tous, ceux qui regardent et qui interrogent, au détour d’une rue, le visage éphémère de ces géants à hauteur d’hommes.

Paul Bloas© Paul Bloas
Paul Bloas© Paul Bloas
Paul Bloas© Paul Bloas
Paul Bloas© Paul Bloas
Paul Bloas© Paul Bloas
Paul Bloas© Paul Bloas
Paul Bloas© Paul Bloas
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