Comme certains cumulent en boucle les samples électroniques sur des morceaux vitaminés, Julien Colombier empile les motifs colorés et sauvages sur des supports diversifiés. Il en résulte une sensation semblable de profusion exaltée qui ne nuit jamais à l’ensemble malgré un caractère répétitif affirmé.

Julien Colombier, vue d'atelierJulien Colombier, vue d’atelier, juin 2013 ©

Pour ce parisien autodidacte, libéré du carcan scolaire depuis l’âge de seize ans et jamais passé par une école d’art traditionnelle, c’est même « la profusion qui fait la forme des choses », et qui peut permettre à un motif initialement très simple de prendre un intérêt véritable.

La forme adapte alors le fond, ou plutôt « s’adapte au fond » (celui de la toile, et surtout celui du support mural), et engendre une création obsessionnelle et épidermique au sein de laquelle fusionnent les éléments épars et fantasmés d’une végétation colorée, parfois magistrale, véritable danse plantureuse aux mouvements incertains et cohérents.

Julien Colombier, work in progressJulien Colombier, work in progress, craie grasse/pastel sur bois, Bruxelles, 2012 ©
Julien Colombier, Geometric is the new blackJulien Colombier, Geometric is the new black, craie grasse/pastel sur papier, 150×200 cm ©
Julien Colombier, Flying PalmsJulien Colombier, Flying Palms, craie grasse/pastel sur papier, 150×150 cm ©

Pourtant, malgré l’exotisme évident qu’évoquent ces motifs végétatifs, Julien Colombier est né dans la métropole parisienne, et ne connaît de la jungle amazonienne que les Images d’Épinales longuement constituées par d’autres: « J’avais initialement envie de représenter la nature, mais je suis vraiment un citadin! Je passe ma vie à Paris, et je crois que mon travail récent est en réalité une végétation vue du côté super urbain. »

Cette urbanité viscérale et automatique, cet artisan revendiqué du caractère furtif et éphémère de l’art (« les gens se lassent vite des motifs ») la tient sans doute de sa fréquentation assidue des milieux du street art (un terme qu’il écarte sans le rejeter complètement) et plus particulièrement de ceux du graffiti, qui l’ont notamment conduit récemment à ornementer certains espaces de la Tour 13, les backstages de la Grande Halle de La Villette dans le cadre du Pitchfork Festival, ainsi que les murs du très investi Café Charbon.

Julien Colombier, Tour 13Julien Colombier, Tour 13, craie grasse/pastel sur plafond, août 2013, avec Alëxone & Sébastien Preschoux
Julien Colombier, High Light ParkJulien Colombier, High Light Park, craie grasse/pastel et acrylique sur bois, dimensions variable, Paris 2012 © Galerie Metropolis
Julien Colombier, Au Vieux PanierJulien Colombier, Au Vieux Panier, craie grasse/pastel sur mur et plafond, Marseille 2013 ©
Julien Colombier, Rock Hard in a Funky PlaceJulien Colombier, Rock Hard in a Funky Place, craie grasse/pastel sur bois, miroirs au sol, 250 cm de hauteur, 500 cm largeur et 450 cm profondeur, exposition « La dernière vague », Marseille 2013 @ photo: François Guery
Julien Colombier, Rock Hard in a Funky PlaceJulien Colombier, Rock Hard in a Funky Place, craie grasse/pastel sur bois, miroirs au sol, 250 cm de hauteur, 500 cm largeur et 450 cm profondeur, exposition « La dernière vague », Marseille 2013 @ photo: François Guery
Julien Colombier, Rock Hard in a Funky PlaceJulien Colombier, Rock Hard in a Funky Place, craie grasse/pastel sur bois, miroirs au sol, 250 cm de hauteur, 500 cm largeur et 450 cm profondeur, exposition « La dernière vague », Marseille 2013 @ photo: François Guery

Dans le bar mitoyen du Nouveau Casino, justement, ce continuateur d’un Horfée plus géométrique (« j’essaye parfois de traîner la peinture pour qu’elle dégouline un peu comme lui… ») présentait au début de l’automne un travail à la fois décliné sur la façade murale du lieu et sur les nombreux miroirs qui occupent la salle du restaurant, un espace que l’artiste a investi durant une quinzaine de jours avant de débuter son travail: « Je passe beaucoup de temps à investir les lieux que j’ai choisi, si bien que les gens en viennent à s’inquiéter pour moi! Tout le temps de réflexion consiste à savoir où mener le premier trait, à faire des projections mentales, afin de savoir où je veux vraiment aller ».

Pour cette commande du géant américain Converse, bien décidé à allier dans l’enceinte du Café Charbon une programmation musicale pointue et une illustration visuelle qualitative, Julien Colombier a favorisé l’usage de la craie, instrument sculpteur de luminosité qui lui permet de bénéficier d’une spontanéité inédite et totale: « J’aime aussi la facilité d’emploi, ce que tu ne peux pas faire avec de la peinture: si tu as un truc en tête et que tu fais de la peinture, il faut laver tes pinceaux avant… Je réfléchis des heures, des jours entiers à mon sujet: mais quand il est là, il faut qu’il sorte tout de suite! ».

Julien Colombier, Café Charbon pour Converse Julien Colombier, Café Charbon pour Converse « Avant-Poste », craie grasse/pastel sur mur, septembre 2013, Paris ©

Les formes géométriques et tropicales peuvent alors s’élancer dans le hasard simulé du tracé, et continuer à exclure l’humain de cet univers darwinien dans le sens inverse des aiguilles de l’évolution: « J’ai commencé par faire des autoportraits et des personnages dans des situations précises. Puis, je suis passé aux animaux, en représentant beaucoup de chiens, de chats, de poulpes… De méduses aussi, qui m’ont permis de développer un côté végétal et organique que l’on retrouve dans ce que je fais aujourd’hui. Ni yeux, ni bouche, ni humains, ni humanoïdes: je n’avais plus envie d’être narratif, et préférais poser des ambiances dans lequel le personnage serait avant tout le public. »

Julien Colombier, Tapis Julien Colombier, Tapis 100% laine tufté main par Didden & Co, 200×300 cm, Bruxelles ©
Julien Colombier, trench coat pour Paul KaJulien Colombier, trench coat pour Paul Ka, collaboration Spring/Summer 2012 ©

Le public, justement, qu’il soit humain ou végétal, est invité à découvrir le tropicalisme graffiti de l’artiste, exposé du 22 novembre au 21 décembre 2013 du côté de la BTW Gallery de Genève.

Julien Colombier, FlagsJulien Colombier, Flags, installation, craie grasse/pastel sur bois, Genève, novembre 2013 © By the Way Gallery © Photo: Deborah Cohen Taieb