Un entretien Boum! Bang!

Lauréat du Festival Ici et Demain, ce jeune photographe se joue de la vitesse et de la lumière en usant de la richesse technique que lui permet son appareil photo. Loin des portraits ou des paysages, Fasto nous fait vibrer à travers le light painting.

B!B!: Tu fais du light painting, peux-tu m’expliquer en quoi ça consiste?

Fasto: C’est assez simple. Normalement une photo, avec la lumière du jour, on va la prendre à une vitesse de 1/60e de seconde. Moi ce que je fais, c’est que je règle mon appareil photo en mode en manuel et je pousse la vitesse au minimum. Il y a un mode qui s’appelle Bulle, c’est celui que j’utilise le plus. Dans ce mode, c’est toi qui ouvre et ferme l’obturateur et donc tu règles la vitesse. Cette une technique qui s’utilise essentiellement dans le noir. En effet, la photographie ne fait qu’imprimer la lumière reflétée. Ici c’est une pose longue, un peu comme lorsqu’on prend une photo qui est floue et qu’on voit des traits de lumières. L’exemple le plus parlant est celui des photos d’autoroutes. C’est exactement le même principe sauf que là, c’est moi qui vais prendre la lumière pour l’utiliser comme un pinceau.

Stéphane Chaulet
© Stéphane Chaulet
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Stéphane Chaulet
© Stéphane Chaulet
Stéphane Chaulet
© Stéphane Chaulet
Stéphane Chaulet
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B!B!: Comment t’es tu retrouvé à utiliser cette technique?

Fasto: Je suis issu du graff, comme la plupart des mecs qui font du light painting. J’avais vu, via un ami graffeur, une photo d’une esquisse de trait de lumière et je ne comprenais pas comment cet effet avait été produit. Il m’a expliqué qu’il n’avait fait que toucher un peu à l’ISO de son appareil. Par la suite j’ai donc essayé de faire de même avec l’appareil de ma mère. Mes premiers résultats étaient peu probants par rapport à ce que je peux faire maintenant, mais il y avait déjà cette idée de mouvement avec la lumière. Il y a ensuite eu un moment où j’ai un peu laissé de côté le light painting et c’est pour un projet artistique de fin de cycle scolaire que j’ai vraiment expérimenté différentes choses. Petit à petit, j’ai apprivoisé la technique. N’ayant aucune formation photographique à la base je n’étais pas équipé en matériel, je me faisait prêter un appareil. Suite à ce projet,  j’ai fait les démarches nécessaires et ma mairie m’a financé un appareil photo afin que je sois plus libre. Grâce à ça, j’ai vraiment pu commencer une pratique régulière et plus sérieuse.

Stéphane Chaulet
© Stéphane Chaulet
Stéphane Chaulet
© Stéphane Chaulet
Stéphane Chaulet
© Stéphane Chaulet
Stéphane Chaulet
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B!B!: Tu t’investis encore dans le graff?

Fasto: Oui, je graffe toujours un peu. Mais j’utilise le même blaze et maintenant que je commence à être un peu connu j’évite les choses illégales. J’ai arrêté le coté vandale mais le graff reste un passe temps.

B!B!: Pourquoi avoir choisi Paris comme sujet pour le festival?

Fasto: Ce festival, j’y étais allé un peu les mains dans les poches. Mon dossier disait juste que mon projet était sur Paris. D’autre part, je n’avais jamais vraiment travaillé le light painting avec le décor, c’était l’occasion. C’est peut être un peu regrettable que ce soit axé uniquement sur Paris. J’aurais peut être dû ouvrir plus mais c’était le thème et je m’y suis tenu.

B!B!: Tu as des projets de photos en préparation?

Fasto: Oui. Ce que je regrette dans mon travail c’est son aspect brouillon, on voit que ce n’est pas professionnel et avec ce nouveau projet, je vais essayer de supprimer ça. En gardant un léger aspect brouillon tout de même, là est tout le paradoxe. Beaucoup d’artistes en light painting ont perdu cet aspect et on a l’impression en voyant leur travail que c’est tout droit sorti d’un ordinateur il n’y a plus vraiment de sensibilité. C’est esthétique mais froid.

D’autre part, avec ma sœur et son ami qui sont à Berlin, nous avons associé nos compétences, à savoir la sculpture, la peinture et la photo pour faire un court en stop motion.

Stéphane Chaulet
© Stéphane Chaulet
Stéphane Chaulet
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Stéphane Chaulet
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Stéphane Chaulet
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B!B!: Avec tes photos, la visée est uniquement esthétique ou cherches-tu à délivrer un message?

Fasto: C’est une des questions que je me pose souvent, dans ma vie j’ai beaucoup d’idéaux et d’engagements. Dans le light painting les premières choses que j’ai faites n’avaient qu’un but esthétique et ça me dérangeait un peu. J’ai fini par me faire à l’idée que ce n’était qu’esthétique. Après il y a quelques travaux qui sont plus pour faire réfléchir, mais ce n’est jamais trop explicite. Je ne veux pas forcer le spectateur à penser une chose ou une autre. Le light painting est un univers assez féerique et poétique et pas lourd de sens. Lorsque je peins, la démarche est différente et je tente d’exprimer plus de choses. Mais vouloir montrer des idées, ce serait forcer la chose. Je cherche tout de même plus le ressenti que la réflexion.

Stéphane Chaulet
© Stéphane Chaulet
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B!B!: J’ai le sentiment qu’il y a un regain d’intérêt pour la photo ces derniers temps. À ton avis, c’est un phénomène de mode ou une volonté de recapter l’époque?

Fasto: Je pense que les deux se mêlent. Il y a incontestablement un phénomène de mode, on peut le voir aujourd’hui, tout le monde a un reflex. Pour moi c’était un truc de fou d’en avoir un. Tout le monde a à disposition le matériel nécessaire. Et puis il y a la volonté le faire de belles photos, ce qui traduit peut être une sorte de prise de conscience. À savoir ne pas faire que des photos de soirées ou des choses comme ça. C’est peut être un peu une illusion aussi du fait qu’il y a plus d’accès. Et je pense qu’il y a une influence de Facebook et autres Instagram qui ont pour but de montrer tout ce qu’on fait, tout le temps. Aujourd’hui dès qu’on va prendre une photo on va vouloir la montrer, tandis qu’avant c’était plus confidentiel.

Si je reprends l’exemple du light painting, ça s’est énormément développé dans plein de milieux. Il y a une volonté de faire des choses qui sortent de l’ordinaire.

Stéphane Chaulet
© Stéphane Chaulet
Stéphane Chaulet
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B!B!: Quand on me parle light painting, j’ai tout de suite en tête l’affiche du Festival de Cannes de 2010 avec Juliette Binoche. Ça a mis en lumière cette technique?

Fasto: Oui c’est vrai, mais ce n’est pas pour autant que les gens connaissent vraiment la technique. On se dit que c’est fait à l’ordinateur. Tu as Canon aussi qui a utilisé du light painting pour leur dernière publicité aussi. Ça se développe beaucoup dans les pub. Mais à mon sens, ça dénature un peu la chose, ça la vulgarise.

Affiche du Festival de Cannes 2010
Affiche du Festival de Cannes 2010 ©

B!B!: En tant que jeune artiste, penses-tu qu’il y a de la place pour vous? Qu’on a envie de vous écouter, de vous laisser les moyens de vous exprimer?

Fasto: J’ai été agréablement étonné, parce que justement il y a pas mal de place pour les jeunes artistes. Après, c’est peut être parce que mon concept a bien plu et que d’autres n’ont pas su saisir leur chance. Mais pour ma part j’ai été surpris de voir comme tout s’est enchaîné. Les gens ont réagit très favorablement. Après je ne suis pas sur qu’il soit possible de vivre pour un jeune artiste mais j’ai eu la chance d’exposer à Paris. Un des bémol, c’est que pour exposer il faut avoir un réseau, connaître des gens. Ce que je vois par contre c’est qu’il n’y a pas la volonté de mettre de l’art dans les bars ou autres, comme il peut y avoir à Berlin. Il y a de la place mais ça reste réduit, c’est un cercle assez restreint. C’est quand même assez difficile.

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