Le temps. Eternelle obsession d’un mouvement qui ne s’arrête jamais, d’un flux continu qui ne fait qu’avancer sans répit. Chacun se pose la question des conséquences qu’a le temps sur l’espace, sur l’humain, sur la vie. Comment faire face au temps lorsque nous sommes conscients de notre vanité. La pérennité  de la vie ne peut-elle être écartée seulement grâce à l’art?

Eliott Paquet, portrait
© Eliott Paquet, portrait

C’est ce que supposent les travaux d’Eliott Paquet. Ce jeune artiste né à Paris en 1990 a étudié à l’Atelier de Sèvres puis aux Beaux Arts de Paris. Son travail d’aujourd’hui naît d’une pratique plastique dite traditionnelle. On y retrouve peintures à l’huile, dessins mais également sculptures, installations ou bien encore des vidéos. Les thématiques traitées restent souvent les mêmes: effet du passage du temps sur la matière, volonté d’inscrire l’homme dans un continuum temporel et spatial, recherche de pérennité comme quête d’immortalité et de trace laissée sur Terre. Et pourtant on ne parvient pas à définir ce qu’est précisément le temps. Les mots se dérobent de nos pensées lorsque l’on essaye de le matérialiser par le langage. Mais c’est justement ce qu’Eliott Paquet parvient à faire avec ses travaux: il nous donne une image du temps, immobile et concrète. C’est pour cela que les ruines – ces fragments du passé rejetés dans le présent – se sont imposées à lui qui est fan d’architectures ancestrales et monumentales. Pour lui elles sont « d’une part une structure de renvoi transitif, d’autre part une porte temporelle de projection de l’avenir ».

Ainsi sa série « Atlantis » nous immerge directement dans l’obsession du temps, de la brièveté de la vie humaine, par la représentation de ruines. Ces dernières ont la forme des bunkers allemands du mur de l’Atlantique mais elles permettent cependant une réflexion plus large sur les traces laissées par les civilisations disparues. On semble flotter étrangement autour de ces pierres qui ne reposent sur rien. Le fond blanc ne fait que mettre en exergue notre inquiétude quant au temps qui passe, quant à la trace qu’on laissera derrière nous et qui dira qui nous étions. Le temps et l’espace sont sans constance. Presque immergés dans une vision onirique sur la conception du temps, on contemple le grain, les ombres et les volumes, la précision de l’artiste. La nature envahissante et incontrôlable qui vit normalement dans les espaces abandonnés des hommes est ici remplacée par ce vide silencieux et pourtant oppressant. Eliott Paquet s’occupe d’ailleurs plus de la forme de son plâtre et du grain de son dessin que du sens de ses travaux, qui lui arrive généralement après coup. La durée du temps qui passe s’exprime ici par l’accumulation de signes tels que l’usure, la mousse ou bien l’éclatement des pierres. Le dessin rend presque le temps palpable tant les ruines représentées sont précises et réelles.

Eliott Paquet
© Eliott Paquet, Atlantis 1, Graphite sur papier, 56x76cm, 2013
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© Eliott Paquet, Atlantis 9, Graphite sur papier, 56x76cm, 2013
Eliott Paquet
© Eliott Paquet, Atlantis 4, Graphite sur papier, 56x76cm, 2013
Eliott Paquet
© Eliott Paquet, Atlantis 10, Graphite sur papier, 56x76cm, 2013
Eliott Paquet
© Eliott Paquet, Atlantis 7, Graphite sur papier, 56x76cm, 2013

Le temps n’est cependant pas le seul centre de son travail, il n’est que la dimension avec l’espace qui corrompt le monde des idées pures à travers leur matérialisation. Eliott Paquet utilise différentes techniques pour retranscrire cela. Dans sa série « À nos enfants » il présente deux stèles gravées à la main. Les écritures que l’on retrouve gravées dans la pierre sont les formules mathématiques sous forme d’épigraphie latine de la formule du temps et de l’espace de Planck. Cette formule définit la plus petite mesure spatiale admise par les lois de la physique quantique. Le titre semble expliquer l’œuvre. Est-ce la seule chose qui subsiste à la mort et que l’on fait parvenir à la génération plus jeune? Ne transmettons nous qu’un savoir figé? On se sent quelque peu désemparé lorsque que l’on comprend la vraie signification de ce titre. Rien ne subsiste dans un monde changeant sans cesse où mort et vie se côtoient quotidiennement. L’homme en quête d’immortalité cherche ce qui, lui, survivra.

Eliott Paquet
© Eliott Paquet, Série: À nos enfants, Hand carved rock, 2014
Eliott Paquet
© Eliott Paquet, Série: À nos enfants, Hand carved rock, 2014
Eliott Paquet
© Eliott Paquet, Série: À nos enfants, Hand carved rock, 2014

L’artiste fait aussi preuve de diversité avec des séries telles que « The space between us » ou bien encore « Monumentum aere perennius ». Les peintures représentant le ciel, montrent le temps dans l’espace de façon différente. La brume de la série « Monumentum aere perennius » semble figer le temps, laissant le spectateur observer de haut quelque chose de statique. Cette immersion dans un instant arrêté est amplifiée par le fait que c’est encore la pierre qui est représentée. Tout comme les ruines, elle semble immuable au fil du temps, inatteignable par les effets de celui-ci. On vogue sur l’inconstance du temps à travers des ruines qui nous rappellent que l’Homme est éphémère. La série « The space between us » présente quant à elle un travail sur l’interstice que ce soit par la contemplation mystique d’une peinture à l’huile; médium traditionnel artistique, ou par la représentation de plans de transparences et de reflets de lumières sur les dessins. Cette partie insiste sur les problématiques liées à la séparation aujourd’hui entre monde physique et monde immatériel avec par exemple l’explosion de la datasphère internet. De plus l’immatérialité du temps se retrouve par le changement des nuages entre les peintures « The Space between 1 » et « The Space between 2 ». Le ciel n’est que le reflet du temps qui s’écoule continuellement, sans arrêt ni retour en arrière. Les deux tableaux sont semblables, il se dégage une certaine sérénité grâce aux couleurs claires et vives. Au début on est rassuré face à ce ciel bleu aux nuages duveteux et reposants, puis l’on se rend rapidement compte qu’ils sont muables, rien ne reste pareil. Comme les nuages, le temps s’égrène, laissant derrière lui les traces de son passage.

Eliott Paquet
© Eliott Paquet, Série: The space between us, The space between 1, huile sur bois, 120×90 cm, 2013
Eliott Paquet
© Eliott Paquet, Série: The space between us, The space between 2, huile sur bois, 120×90 cm, 2013
Eliott Paquet
© Eliott Paquet, Série: The space between us, Through Your Body Of Glass I Can See Myself, Graphite sur papier, 100×65 cm, 2014
Eliott Paquet
© Eliott Paquet, Série: The space between us, …I have loved you, Graphite sur papier, 200×131 cm, 2014
Eliott Paquet
© Eliott Paquet, Série: The space between us, Bye Siri… , Graphite sur papier, 200×131 cm, 2014
Eliott Paquet 2
Eliott Paquet, Monumentum Aere Perennius 1, huile sur bois, 120×90 cm, 2013
Eliott Paquet
Eliott Paquet, Monumentum Aere Perennius 3, huile sur bois, 120×90 cm, 2013
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Eliott Paquet, Monumentum Aere Perennius 2, huile sur bois, 120×90 cm, 2013