Y a-t-il un lien entre le « Cherchez le garçon » du groupe new wave Taxi Girl et le « Chercher le garçon » de Frank Lamy, commissaire de cette nouvelle exposition au MAC/VAL? Peut-être. Peut-être pas. En tous les cas, si le premier, tube de 1980, était minimaliste dans les mots et dans les notes, le deuxième est, au contraire, riche et complexe. Ce sont en effet les œuvres de pas moins d’une centaine d’artistes hommes qui sont présentées pour l’occasion.

Dès la première salle, il saute aux yeux qu’il va être question du masculin, du mâle, de l’homme et de l’homo qu’il s’agisse de peintures, de photographies, d’installations ou de vidéos. Très vite également, on constate que beaucoup d’œuvres semblent vouloir dézinguer la belle image de l’homme fort, fiable, courageux et couillu en proposant des visions alternatives de la masculinité. Au-delà de cette première impression, d’autres thématiques font surface: la transformation et la transgression, l’imitation et l’intimité, le fantasme et le fantastique…

Pierre Molinier, 1999, acrylique sur toile
Pierre Molinier, 1999, acrylique sur toile, 110 x 110 cm. Courtesy l’artiste et Galerie Perrotin. Luciano Castelli, 1975. Photographie noir et blanc, ensemble de 4 photographies, 17,7 x 12,7 cm sans cadre (42 x 32 cm avec cadre). Collection Frac Aquitaine. © Adagp, Paris 2015. Photo © Frédéric Delpech.
Maurizio Cattelan, Untitled (Zorro)
Maurizio Cattelan, Untitled (Zorro), 1999. Acrylique sur toile, 110 x 110 cm. Courtesy l’artiste et Galerie Perrotin.
© Charles Fréger, Rudas 2
Charles Fréger, Rudas 2. Série « Rudas », 2010. Photographie couleur, 76 x 58 cm. Courtesy l’artiste.
Vue de l’exposition « Chercher le garçon »
Vue de l’exposition « Chercher le garçon », MAC VAL 2015. À gauche, Florent Mattei, The World is perfect, série « Hôtel » sans titre #3, 2000-2001. Au centre, Gavin Turk, King Ravut, Krut Givan, Ragut Kirn et Virnat Kug, 2010. À droite, Philippe Perrin, The Rose Window, 2009. Photo © Martin Argyroglo. © Adagp, Paris 2015.

Extrait. Quelques pas et nous voici face aux « Cochons pendus » de Patrick Raynaud, photographies de bodybuilders suspendus par les pieds présentées sur caissons lumineux derrière des portes comme de simples morceaux de barbaque. Dans cette position, l’homme, même bien bâti, a moins fière allure et devient objet de consommation plutôt qu’objet de désir. Plus loin, le soldat en prend pour son grade avec Alain Declercq qui fusille l’image du héros en se mettant en scène dans un portrait aux deux mains gauches. Charles Fréget, photographe spécialisé dans les grandes séries en uniformes dresse, quant à lui, les portraits des baigneurs des thermes de Rudas à Budapest: des vieillards quasi-nus, dont les corps fatigués, lourds, portent le poids du temps à l’image des fresques décrépies qui les entourent.

Cette déconstruction de l’image idéalisée de l’homme passe aussi par de nombreuses œuvres mettant en scène des travestis. Kader Attia présente ainsi simultanément dans son film « Collages » des extraits de vie de transsexuels à Paris, Alger et Bombay. D’autres artistes voyagent entre deux identités comme l’artiste suédois Tobias Bernstrup qui dans ses performances se présente tantôt en super héros tantôt en diva ou Gilles Barbier qui expose ici son double féminin en cire. D’autres artistes se travestissent eux-mêmes, parfois avec une simple perruque, parfois en se glissant dans la peau de la femme fatale. Certains nous transportent assez loin dans la pornographie et la vulgarité avec notamment le performer Tomislav Gotovac reproduisant les postures d’actrices de film porno. On est assez loin de l’érotisme plus sophistiqué de Bruce Nauman se filmant allongé et tenant dans sa main un néon qui n’est pas sans rappeler un phallus surdimensionné.

Gilles Barbier, Clone femelle, 1999
Gilles Barbier, Clone femelle, 1999. Cire, peinture à l’huile et technique mixte, 170 x 65 x 30 cm. Collection privée, Paris. Courtesy Galerie GP & N Vallois, Paris. © Adagp, Paris 2015. Photo © Marc Domage.
Kader Attia, Collages, 2011
Kader Attia, Collages, 2011. Triptyque vidéo, 67’. Courtesy l’artiste, Galerie Nagel Draxler, Galleria Continua, Galerie Krinzinger. Avec le soutien du Centre Pompidou – Paris. © Adagp, Paris 2015.
Alain Declercq, Anti-héros, 1998
Alain Declercq, Anti-héros, 1998. Impression sur bâche PVC, 205 x 215 cm. Collection Mudam Luxembourg – Musée d’Art Moderne Grand-Duc Jean. © Adagp, Paris 2015. Photo © Alain Declercq.
Thomas Eller, THE white male complex, No. 11
Thomas Eller, THE white male complex, No. 11 (endgames), 25 mai 2014. Performance réalisée au MOMENTUM Worldwide, Berlin. Dans le cadre de l’exposition « Pandamonium » – commissariat David Elliot et Li Zhenhua. Tryptique, papier baryté sur dibond, 200 x 360 cm (200 x 120 cm chaque panneau).
Vue de l’exposition « Chercher le garçon »
Vue de l’exposition « Chercher le garçon », MAC VAL 2015. À droite, Jacques Monory, Abréviation du vide n°8 (détail), 2008. Au centre, Florian Pugnaire et David Raffini, Expanded Crash, Granturismo, 2014. Photo © Martin Argyroglo. © Adagp, Paris 2015 © Courtesy Florian Pugnaire & David Raffini et TORRI, Paris

Qui dit homme, dit femme. Plusieurs artistes jouent donc les confrontations comme Denis Dailleux et ses portraits mères/fils où s’entrechoquent force et délicatesse. Il semble être ici question de la liberté d’utilisation du corps qu’il s’agisse du port du biceps ou du port du voile. Mais le corps de l’homme n’est pas toujours l’objet de l’œuvre. Florian Pugnaire et David Raffini nous montrent ainsi une sorte de carcasse évolutive de voiture dorée sortant d’un crash et qui grâce à un piston s’auto compresse à un rythme lent mais régulier. De tôle froissée il est aussi question avec Jean-Baptiste Ganne qui nous propose une étagère de trophées sportifs flagadas sous le titre « Détumescences », mot désignant le retour à la normale du pénis après érection. Au-delà, d’autres symboles du masculin ponctuent cette sélection avec un vitrail-pistolet, des panneaux de basket miniatures, des costards…

L’histoire de l’art et de ses grands représentants, hommes ou femmes, est aussi dans la ligne de mire. Maurizio Cattelan, garçon guignol, s’en prend à Lucio Fontana en transformant l’une de ses célèbres lacérations de toile en un grand « Z » qui n’est pas sans rappeler la fameuse signature de Zorro. Pascal Lièvre copie le dripping de Jackson Pollock en le féminisant grâce à des paillettes. L’artiste belge Emilio López-Menchero parodie l’une des plus célèbres photographies de Cindy Sherman en se mettant en scène dans une pose et dans des vêtements très similaires.

Lucas Samaras, Photo transformation, 28 décembre 1973
Lucas Samaras, Photo transformation, 28 décembre 1973. Photographie couleur, Polaroïd SX 70 retravaillé à la main, 7,8 x 7,8 cm (hors marge). FNAC 980221 / © Pace Wildenstein Gallery / CNAP/
Philippe Ramette, L'Ombre (de moi-même)
Philippe Ramette, L’Ombre (de moi-même), 2007. Installation lumineuse, technique mixte, dimensions variables. Courtesy Galerie Xippas. © Adagp, Paris 2015. Photo © Marc Domage © Philippe Ramette.
Philippe Perrin, Rita
Philippe Perrin, Rita, 2010. Photographie noir et blanc, 160 x 120 cm. © Philippe Perrin. Collection Maison Européenne de la Photographie. © Adagp, Paris 2015.
Vue de l’exposition « Chercher le garçon »
Vue de l’exposition « Chercher le garçon », MAC VAL 2015. En Haut, Thomas Eller, THE white male complex, No. 11 (endgames) (détail), 25 mai 2014. Au centre, Patrick Raynaud, Cochons pendus, 1994. À droite, Florian Pugnaire et David Raffini, Expanded Crash, Granturismo (détail), 2014. Photo © Martin Argyroglo. © Adagp, Paris 2015.
Patrick Mario Bernard, Le bonhomme
Patrick Mario Bernard, Le bonhomme, 2010. Performance, feuilleton en trois épisodes. Épisode n° 2. Co-production : Ménagerie de Verre, Association du 48. Avec le soutien de la DRAC – Art dans la Ville / Mairie de Paris.

Et une fois ce premier repérage effectué, on se rend vite compte qu’il sera impossible de tout voir et de tout comprendre. En effet, dans cette recherche du garçon, parfois, on se perd. Certaines œuvres présentées vous donneront ainsi peut-être l’impression d’être trop perchées ou d’être hors-sujet. Ainsi, au-delà de leur forme phallique, que nous racontent les totems de Théo Mercier? Quels liens entre notre « Chercher le garçon » et cette photo minérale de Dove Allouche ou le « Mur couché » de Christophe Cuzin? Le visiteur-amateur ne les trouvera peut-être pas. Il appréciera ou pas ce labyrinthe dont les murs sont parfois un peu trop recouverts et où certaines œuvres, comme les dandys black de Yinka Shonibare MBE, sont un peu trop en hauteur. Il faudra donc être courageux, comme un homme se doit de l’être, bien s’accrocher devant cet accrochage ambitieux et se laisser plusieures heures pour espérer trouver tous les garçons de cette exposition.

Exposition « Chercher le garçon » jusqu’au 30 août 2015 au MAC/VAL, Musée d’Art Contemporain du Val-de-Marne situé à Vitry-sur-Seine. À voir également jusqu’au 5 juillet 2015, « Avec et sans peinture », sélection d’œuvres de la collection montrant de façon assez pédagogique la diversité de la peinture contemporaine avec notamment Daniel Buren, George Rousse, Felice Varini, Arman, César, Farah Atassi ou Jean Dewasne.

Denis Dailleux, série Mère et Fils
Denis Dailleux, série « Mère et Fils », 2009-2013. Photographie couleur, Agona Swedru. Ghana, 80 x 80 cm.
Vue de l’exposition « Chercher le garçon »
Vue de l’exposition « Chercher le garçon », MAC VAL 2015. À gauche, Dove Allouche, Pétrographie_8, 2014. En bas, Claude Closky, Mon père, 2002. À droite, Denis Dailleux, série « Mère et Fils », 2009-2013. Photo © Martin Argyroglo.
Oriol Nogues, Le Roi, série : Allégories du Grand Théâtre du Monde
Oriol Nogues, Le Roi, série « Allégories du Grand Théâtre du Monde », 2008. Tirage numérique contrecollé sur aluminium, 53 x 80 cm. Collection particulière Sylvie et Stéphane Corréard, Paris.
Jean-Baptiste Ganne, Détumescences
Jean-Baptiste Ganne, Détumescences, 2012. Techniques mixtes. © Jean-Baptiste Ganne. © Adagp, Paris 2015.
Tobias Bernstrup, Killing Spree
Tobias Bernstrup, Killing Spree, 2005. Pochette de CD, couleur (Kunsthalle Nürnberg/Tonight Records 2005). Photo © Miss Liz Wendelbo.
Vue de l’exposition « Chercher le garçon »
Vue de l’exposition « Chercher le garçon », MAC VAL 2015. En haut, Yinka Shonibare MBE, Diary of a Victorian Dandy: 11.00 hours, Diary of a Victorian Dandy: 14.00 hours et Diary of a Victorian Dandy: 17.00 hours, 1998. Au centre, Théo Mercier, Totems et tabou, 2014. Photo © Martin Argyroglo. © Adagp, Paris 2015.
Michel Journiac, Hommage à Freud
Michel Journiac, Hommage à Freud, constat critique d’une mythologie travestie, 1972 – 1984. Installation photographique, ensemble de quatre tirages au gélatino-argentique sur toile, 250 x 200 cm, (110 x 90 cm chacun). Photo © Jean-Luc Lacroix Musée de Grenoble – 2005. Collection Institut d’art contemporain, Villeurbanne, Rhône-Alpes. © Adagp, Paris 2015.
Douglas Gordon, Self-Portrait
Douglas Gordon, Self-Portrait as Kurt Cobain, as Andy Warhol, as Myra Hindley, as Marilyn Monroe, (détail), 1996. C-print, 75 x 75 cm. © Studio lost but found / VG Bild-Kunst, Bonn, 2014. © Studio lost but found / Adagp, Paris 2015.

Artistes présentés dans l’exposition:

Soufiane Ababri, Vito Acconci, Boris Achour, Bas Jan Ader, Stéphane Albert, Dove Allouche, Carlos Amorales, David Ancelin, Kader Attia, Fayçal Baghriche, Gilles Barbier, Taysir Batniji, Jérémie Bennequin, Patrick Mario Bernard, Tobias Bernstrup, Jérôme Boutterin, Genesis Breyer P-Orridge, Alain Buffard, Chris Burden, André Cadere, Maurizio Cattelan, Brian Dawn Chalkley, Nicolas Chardon, Nicolas Cilins, Claude Closky, Florian Cochet, Steven Cohen, John Coplans, Didier Courbot, Christophe Cuzin, Denis Dailleux, Sépànd Danesh, Alain Declercq, Dector & Dupuy, Brice Dellsperger, Noël Dolla, Olivier Dollinger, Thomas Eller, Simon English, Simon Faithfull, Dan Finsel, Charles Fréger, Jean-Baptiste Ganne, Pippa Garner, Jakob Gautel, Douglas Gordon, Tomislav Gotovac, Rodney Graham, Ion Grigorescu, Alain Guiraudie, Joël Hubaut, Charlie Jeffery, Pierre Joseph, Michel Journiac, Dorian Jude, Jacques Julien, Jesper Just, Jason Karaïndros, Meiro Koizumi, Jiri Kovanda, Antti Laitinen, Alvaro Laiz, Matthieu Laurette, Leigh Ledare, Claude Lévêque, Pascal Lièvre, MADEleINe ERIC, Robert Mapplethorpe, Jean-Charles Massera, Florent Mattei, Emilio López-Menchero, Théo Mercier, Pierre Molinier, Kent Monkman, Jacques Monory, Yasumasa Morimura, Laurent Moriceau, Ciprian Mureşan, Bruce Nauman, Krzysztof Niemczyk, Oriol Nogues, Christodoulos Panayiotou, Carlos Pazos, Bruno Pelassy et Natacha Lesueur, Régis Perray, Philippe Perrin, Grayson Perry, Pierre Petit, Laurent Prexl, Prinz Gholam, Florian Pugnaire et David Raffini, Philippe Ramette, Patrick Raynaud, Hubert Renard, Santiago Reyes, Bertrand Rigaux, Didier Rittener, Lucas Samaras, Yinka Shonibare MBE, Florian Sicard, Pierrick Sorin, David Teboul, Laurent Tixador et Abraham Poincheval, Gavin Turk, Frédéric Vaesen, Jean-Luc VernaYan Xing.