Aurélie Mantillet est une artiste française polymorphe, polysémique. D’un abord doux très séduisant, cette artiste de 32 ans diplômée des Beaux-Arts de Saint-Etienne, ne mâche pas ses toiles. En fait, la métaphore de l’animal sauvage, récurrente dans son travail, pourrait fort bien se prêter à la description de la jeune artiste: leur beauté fine, le déploiement majestueux de leur puissance sont le vernis fascinant d’une mission sauvage, d’une férocité instinctive. Telle se révèle Aurélie Mantillet, la personne, l’œuvre. De cette douceur empreinte de violence. La violence d’une seule certitude et de l’urgence, celle de la mort, et de tout ce qu’il y a à peindre.

Métaphore filée de la construction identitaire dans un monde qui se délite, le travail d’Aurélie Mantillet est une recherche d’équilibre dans cet apparent paradoxe existentiel.

Aurélie Mantillet, La Faiblesse des HommesAurélie Mantillet, Série  « Un Nouveau Testament », La Faiblesse des Hommes – huile sur toile, 2013 ©
Aurélie Mantillet, L’AdorationAurélie Mantillet, Série  « Un Nouveau Testament », L’Adoration – huile sur toile, 2013 ©
Aurélie Mantillet, Anch’io son pittoreAurélie Mantillet, Série  « Un Nouveau Testament », Anch’io son pittore – huile sur toile, 2013 ©
Aurélie Mantillet, Ecce Homo Aurélie Mantillet, Série  « Un Nouveau Testament », Ecce Homo – huile sur toile, 2013 ©
Aurélie Mantillet, La Première PierreAurélie Mantillet, Série « Prenez et Buvez-en Tous », La Première Pierre – sang sur papier, 2011 ©
Aurélie Mantillet, L’égalité des ChancesAurélie Mantillet, Série « Prenez et Buvez-en Tous », L’égalité des Chances – sang sur papier, 2011 ©
Aurélie Mantillet, Sans Titre Aurélie Mantillet, Série « Prenez et Buvez-en Tous », Sans Titre – sang sur papier, 2012 ©

Traitant de l’origine du monde, dans le sens de Courbet, elle agrandit l’échelle, cadre l’humain et interroge le rôle des femmes dans la survie de l’espèce, leurs rôles dans ces sociétés encore nettement incertaines de la place à leur céder, l’importance de leur sensualité dans la manière d’aborder le monde. Sans argumentaire ni militantisme, Aurélie Mantillet considère ces sujets parce que ce sont ses vérités, sa vie, ses interrogations, l’essentiel certainement de sa propre construction.

Il n’y a pas de masque dans le travail d’Aurélie Mantillet. Pas de faux-semblant ou de discours détourné. Elle peint parce qu’elle répond oui à la question de Rainier Maria Rilke, « Suis-je vraiment contraint d’écrire? ».  Ce sont des accouchements pour interroger cette angoisse lors de sa première grossesse (série « Accouchements » – 2008), des tirs au fusil de chasse sur des silhouettes d’enfants pour défier la mort lorsqu’elle réalise qu’ « en donnant la vie, on donne aussi la mort » (série « Tirs » – 2011), un monde en pleine mutation pour comprendre l’absurdité de l’héritage que l’on construit pour les générations futures (série « La Vie Moderne » – 2012), des familles de gisants pour tuer symboliquement le « surmoi » ou exorciser la peur (série « Les Gisants » – 2013). Mais Aurélie Mantillet est dans le chemin du poète, elle « construit [sa] vie selon cette nécessité » de peindre. (réf. Rainier Maria Rilke, « Lettre à un jeune poète. »)

Aurélie Mantillet, À mon enterrementAurélie Mantillet, Série «  La Vie Moderne », À mon enterrement  – Acrylique, pochoir et aérosol sur toile, 2012 ©
Aurélie Mantillet, MédéeAurélie Mantillet, Série «  La Vie Moderne », Médée – Acrylique, pochoir et aérosol sur toile, 2012 ©
Aurélie Mantillet, Je choisis le camp ennemi ou L’AlliéAurélie Mantillet, Série «  La Vie Moderne », Je choisis le camp ennemi ou L’Allié – Acrylique, pochoir et aérosol sur toile, 2012 ©
Aurélie Mantillet, Mater et FiliaAurélie Mantillet, Série «  La Vie Moderne », Mater et Filia – Acrylique, pochoir et aérosol sur toile, 2012 ©
Aurélie Mantillet, Tu seras un Pape mon FilsAurélie Mantillet, Série «  La Vie Moderne », Tu seras un Pape mon Fils – Acrylique, pochoir et aérosol sur toile, 2012 ©
Aurélie Mantillet, Tendre est la Nuit Aurélie Mantillet, Série  « Les Gisants »,  Tendre est la Nuit – acrylique sur toile, 2013 ©
Aurélie Mantillet, PaceAurélie Mantillet, Série  « Les Gisants »,  Pace – acrylique sur toile, 2013 ©
Aurélie Mantillet, AutoportraitAurélie Mantillet, Série  « Les Gisants »,  Autoportrait – acrylique sur toile, 2013 ©
Aurélie Mantillet, Queen Mother Aurélie Mantillet, Série  « Les Gisants »,  Queen Mother – acrylique sur toile, 2013 ©

Aurélie Mantillet admire Frida Kahlo parce qu’en peignant sans cesse ses autoportraits, sa souffrance, son désir d’enfant, elle ne peint que l’essentiel, la vérité des choses. Et il y a cette franchise-là, cette quête existentielle forte, dans le travail d’Aurélie Mantillet. Parlant de femmes, d’enfantement et de rites de passages, de peurs instinctives et de liens fondamentaux au règne animal sur un fond d’héritage familial et de société, ses travaux, exclusivement représentatifs, ne parlent jamais que d’elle-même. La série « La Suprême Infirmière » (2012), série d’autoportraits en allégorie de la mort, en est ici la preuve incontestable.

Aurélie Mantillet, Elle Survient à Temps Aurélie Mantillet, Série « La Suprême Infirmière », Elle Survient à Temps – acrylique sur toile, 2012 ©
Aurélie Mantillet, L’effet et la CauseAurélie Mantillet, Série « La Suprême Infirmière », L’effet et la Cause – acrylique sur toile, 2012 ©
Aurélie Mantillet, De grands yeux d'océanAurélie Mantillet, Série « La Suprême Infirmière », De grands yeux d’océan – acrylique sur toile, 2012 ©

Le travail d’Aurélie Mantillet se construit par groupe de sens: travaillant au sol, toujours par séries, elle ne laisse sortir de l’atelier que les pièces qu’elle juge avoir « trouvées ». Sa technique présente une proximité troublante avec les Tirs de Nikki de Saint-Phalle, procédant par recouvrement successifs, assemblages, projections de peintures. Aurélie Mantillet construit en plusieurs temps, passant par une étape de dessin, plaçant les éléments de perspective et de figuration sur ses toiles, puis dans le jeu des média et la superposition des techniques elle va vers l’effacement du processus de création, alors la toile revient à l’essentiel, à ce qui doit être dit, son sens fort.

Marquée par les travaux de Louise Bourgeois, Annette Messager ou Marlène Dumas, Aurélie Mantillet dégage cette fierté tranquille d’être femme. Sous l’impulsion de son galeriste, elle crée en 2012 le groupe des Infirmières (nommé d’après sa série « La Suprême Infirmière »), qui rassemble des artistes femmes dont les travaux saisissent le jaillissement d’un nouveau mouvement pictural figuratif au féminin. Les travaux d’Aurélie Mantillet sont présentés en  permanence aux Infirmières Galerie, à Paris.